Victoire des Geodis pour les salaires : les précaires de la logistique font plier la multinationale ! – http://www.revolutionpermanente.fr/Section-Politique

Ce vendredi, les grévistes de la plateforme logistique de Geodis à Gennevilliers ont arraché des augmentations de salaires, faisant plier la multinationale après un mois de grève reconductible. Une victoire qui, si elle ne permet pas de rattraper l’inflation, permet aux précaires de relever la tête, et rappelle que, loin de tout « dialogue social », seul le rapport de force peut faire payer le patronat.
Mahdi Adi
samedi 19 novembre
La grève a duré un mois et un jour. Depuis le 17 octobre, la grève majoritaire menée par 80 % des salariés de la plate-forme logistique Geodis, à Gennevilliers a mis quasiment à l’arrêt les lignes de production. « Seuls quelques camions presque vides sortent, alors que d’habitude il y en a 600 par jour », nous expliquait alors Hassan, militant CGT Geodis Gennevilliers en grève avec quatre-vingt-six de ses collègues.
La grève a ainsi paralysé la plateforme chargée du triage des colis spécialisée dans la distribution Express, mettant en importante difficulté la filiale de la SNCF spécialisée dans le transport routier. Une difficulté qui s’est traduite sur le terrain financier. Une note interne de la direction de Géodis en date du 27 octobre a fait valoir que l’entreprise a « d’ores et déjà perdu près d’un million de chiffre d’affaires en raison de cette grève ». A quelques jours du « Black Friday » et des fêtes de fin d’année, la direction a finalement cédé face aux grévistes.
Au départ, les raisons de la colère sont simples : alors que les manutentionnaires touchent à peine plus de 1.300€ par mois et subissent l’inflation, ils ont découverts que les membres de la direction se sont récemment octroyés des primes allant jusqu’à 300.000 euros en plus de leurs salaires atteignant les 25.000 euros par mois. Et pour cause, rien qu’en 2021 l’entreprise a réalisé 948 millions d’euros de bénéfices, profitant du boom des livraisons pendant la pandémie. D’ailleurs, contrairement à la direction, les ouvriers n’ont pas eu le droit au télé-travail pendant cette période : ils ont continué à travailler pendant les confinements successifs, notamment pour assurer les livraisons de gel hydroalcoolique et de masques partout dans le pays.
C’est une grève « pour les salaires et la dignité » résume Hassan. Car il s’agit de dénoncer les conditions de travail à la chaîne qui provoquent des accidents graves, la pression des chefs qui surveillent les salariés en minutant même les pauses pipi, le mépris de la direction ou encore les discriminations, la grande majorité des manutentionnaires étant issus de l’immigration. « Certains sont là depuis 20 ans et gagnent toujours 1.400 euros par mois » confie Moussa, un manutentionnaire de 67 ans encore en poste, qui raconte : « On reçoit tout ici, même des animaux vivants ! »
Ce vendredi 18 novembre, les grévistes ont réussi à imposer une partie de leurs revendications, avec entre autres une augmentation des salaires de 4% pour l’ensemble des salariés sous forme « d’avance NAO », 17,50 euros supplémentaires pour les salariés avec une paie inférieure à 1800 euros bruts, ainsi qu’une prime de 600 euros bruts sous forme d’une « avance de complément d’intéressement » et de « prime qualité ». Des augmentations qui, si elles ne permettent pas de rattraper entièrement l’inflation mesurée à 6% (12% dans l’alimentaire), n’en constitue pas moins une victoire partielle face à une multinationale qui, depuis le début du conflit, a démontré sa détermination à ne pas lâcher sur les salaires.
A ces augmentations, s’ajoutent la revalorisation de 6% des minimas de branche à partir du 1er décembre 2022 pour les salariés rattachés à la convention collective des transports routiers de marchandises – comme les travailleurs de Geodis – suite à la signature d’un accord le 25 octobre dernier. « Cet accord de branche concernera 73 grévistes sur 87, qui ont un salaire de base inférieur à 1.800 euros bruts », explique Mouloud Sahraoui, élu CGT Geodis Gennevilliers. Si ces augmentations ne s’appliquent pas à l’ensemble des travailleurs, mais seulement aux plus bas salaires, elles constituent tout de même un appoint salarial non négligeable pour ceux qui ont lutté. Elles constituent un encouragement à lutter pour exiger que ces augmentations soient valables pour toutes et tous.
Si la victoire des grévistes reste partielle sur le plan revendicatif, elles constituent cependant une victoire pour l’ensemble des précaires de la logistique. Dans un secteur où le patronat surexploite les salariés et où la direction fait la chasse aux syndicalistes, comme en témoignent les entretiens préalables à licenciements en série contre les militants de la CGT Geodis Calberson Gennevilliers, ces cinq semaines de grève démontrent que les travailleurs précaires de la logistique sont capables de relever la tête et de faire plier une multinationale.
C’est en s’organisant à la base, en se réunissant chaque jour en Assemblée Générale pour voter la reconduction de la grève, discuter des perspectives du mouvement en cherchant à développer la solidarité avec d’autres secteurs du monde du travail et s’adresser à la population de Gennevilliers, ainsi qu’à militer la caisse de grève, que les salariés ont construit l’unité face à la direction. A ce titre, cette lutte est exemplaire puisqu’elle montre que c’est par la grève qu’il a été possible d’arracher des augmentations de salaire.
Du point de vue des éléments d’auto-organisation, le syndicat local CGT Geodis Calberson Gennevilliers a cherché à organiser des Assemblées Générales de grévistes autour d’une ligne combative revendiquant 150€ pour tous en plus de 150€ pour les bas salaires et d’une prime de 1.000€, les autres structures syndicales présentes sur la plateforme ont soit été absentes soit carrément de mèche avec le patron. A l’image des élus CFDT, qui ont tenté à plusieurs reprises de convaincre les grévistes de reprendre le travail et de privilégier le « dialogue social » plutôt que le rapport de force. C’est bien l’auto-organisation des grévistes en Assemblée Générale qui a permis d’empêcher ces derniers d’aller négocier avec la direction à la place des salariés en grève. Un contrôle de la grève à la base qui a permis aux grévistes d’éviter un scénario ExxonMobil bis qu’on a pu voir pendant la grève des raffineurs. Cela constitue un acquis important de la grève.
Ensuite au niveau du groupe, le mouvement aurait pu être étendu sur d’autres sites comme celles de Bonneuil, Valenton ou Saint-Ouen-L’Aumône. Si cela n’a pas été le cas, c’est notamment le produit de la politique de la direction qui fait tout pour diviser les salariés et affaiblir les syndicats revendicatifs : alors que les bénéfices sont centralisés par les mêmes actionnaires, l’entreprise fonctionne comme un réseau de franchise où chaque plateforme est juridiquement indépendante avec ses propres instances représentatives du personnel, sans parler de la répression contre les militants syndicaux.
Toutefois, une meilleure préparation et coordination en amont entre les structures syndicales combatives aurait pu permettre d’entraîner dans la danse les travailleurs d’autres sites autour des mêmes revendications salariales, et ainsi d’accroître la pression sur la direction du groupe tout en évitant que les colis devant être traités à Gennevilliers soient détournés vers d’autres plateformes franciliennes. Mais il se peut que cette victoire donne des idées à d’autres dans la prochaine période. Toujours est-il qu’elle doit servir d’exemple : c’est en s’unissant derrière des revendications pour lesquelles il vaut la peine de se battre et en s’organisant à la base qu’il faudra construire l’unité des travailleurs du groupe Geodis.
Alors que les grévistes ont par exemple pu compter sur le soutien de l’Union Locale CGT de Gennevilliers pour alimenter la caisse de grève, hormis quelques articles comme sur le journal de la CGT, la Confédération est de son côté restée complètement muette. Aucune communication n’a été faite de la part des portes-paroles de la direction de la CGT. Un scandale alors que cette dernière aurait dû jouer un rôle de soutien actif à la grève des précaires de la logistique, face à une multinationale, pour les salaires.
Quant aux organisations syndicales présentes à la SNCF, elles ont également brillé par leur absence. Mis à part un communiqué timide de la CGT Cheminots, ni la direction de la CGT ni celle de SudRail et des autres syndicats n’ont cherché à briser les barrières corporatistes entre les travailleurs de la SNCF et ceux de sa filiale Geodis. Cette grève aurait pourtant pu être l’occasion de construire une alliance entre les cheminots et les salariés des filiales, non seulement pour mettre la pression au groupe SNCF afin de satisfaire les revendications des grévistes, mais aussi autour de la remise en cause la privatisation et la casse du service public des transports et du fret.
Enfin, du côté de la gauche politique, hormis le soutien sur le piquet de députés de LFI comme Rachel Keke, ou encore François Ruffin, l’appui des insoumis est resté globalement de l’ordre du symbolique au regard du poids qu’ils disposent à l’Assemblée Nationale. Bien loin de jouer un réel rôle au plan politique pour réellement peser face à la multinationale Géodis, filiale de la SNCF, la tension de LFI était centrée sur l’Assemblée National et ses motions de censures, révélatrice de son centre de gravité placé sur le terrain institutionnel.
A rebours de la stratégie des journées de grèves isolées qui a montré son inefficacité, la méthode de la grève reconductible utilisée par les salariés de Geodis montre qu’il est possible de gagner en construisant le rapport de force. C’est une première victoire qui montre que le rapport de force paye, qui appelle à rester mobiliser et vigilant en vue des NAO de janvier 2023, comme le pointe Mouloud Sahraoui : « Attention, on reprend l’activité mais la seconde phase des NAO se joue en janvier. Là, on parle de 150 euros en plus pour tous, 100 euros supplémentaires (soit 250 au total) pour les bas salaires, 1 000 euros de prime de fin d’année pour tous et 50 euros de prime de transport contre 10 actuellement et un salaire d’embauche à 2000 euros. Tout ce qu’on veut, c’est absorber la hausse des carburants et l’inflation. Alors, oui, aujourd’hui, nous sommes satisfaits mais dans un peu plus d’un mois, on a le second round… »
Plus généralement, il s’agirait de s’appuyer sur cette victoire en s’inspirant de leur détermination, et pour se préparer à d’autres luttes, en affichant la nécessité de se coordonner avec d’autres secteurs, tisser des liens ne plus se battre seule mais en lien notamment avec les grévistes d’autres secteurs. Cela permettrait de dépasser la division des luttes entreprise par entreprise, afin d’être en mesure d’imposer l’augmentation générale des salaires de 400 euros et leur indexation sur l’inflation.
Mots-clés
Salaires   /    Inflation   /    Logistique   /    Geodis   /    Grève   /    Précarité   /    Notre classe
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