Qui est Cyril Astruc, le “Prince du Carbone” traqué et recherché par … – GEO

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Cyril Astruc est le personnage clé du “Casse du siècle”, une affaire de fraude aux quotas carbone à hauteur de cinq milliards d’euros. Le lundi 23 janvier à 21 h (et sur France.tv), France 5 diffuse un reportage consacré à ce criminel environnemental, recherché par les autorités depuis plusieurs années.
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Arrête-moi si tu peux !” Le titre du film américain de Steven Spielberg (2002) résume parfaitement jusqu’ici la cavale de Cyril Astruc, alias Alex Khann. A tel point que ce dernier a même osé un jour poser en photo, habillé d’un t-shirt siglé “Catch me if you can”, en version originale. Mais qui est vraiment ce personnage adepte de la provocation, parfois qualifié de “drôle” en dépit de la gravité de ses crimes ?
Recherché par Interpol et par les polices de plusieurs États, cet individu aux multiples identités est visé par un mandat d’arrêt international pour escroquerie et blanchiment en bande organisée.
En effet, Cyril Astruc et ses complices de la “Mafia Carbone” ont détourné plusieurs milliards d’euros de la taxe carbone – un dispositif mis en place par l’Union européenne pour financer la lutte contre le réchauffement climatique. “Ils ont braqué la banque environnementale, et ils nous ont fait perdre des années dans la lutte pour le climat”, dénonce un officier de police de l’Unité de lutte contre le crime organisé en Israël, qui a souhaité témoigner anonymement auprès des journalistes.
Pour comprendre de quoi il s’agit, il faut en revenir au fonctionnement du dispositif financier. A l’issue du protocole de Kyoto en 1997 visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, “il est décidé de créer une sorte de ‘bourse carbone’, de ‘Wall Street environnemental’ où vont se négocier des quotas. Le principe est simple. Les entreprises ont un quota, un nombre de kilos de CO2 qu’elles peuvent émettre annuellement dans l’atmosphère. Et si elles n’atteignent pas ce quota autorisé, elles peuvent le vendre sur une bourse créée à cet effet”, synthétise Fabrice Arfi, journaliste d’investigation pour Mediapart. “Ceux qui polluent trop peuvent acheter des quotas à ceux qui polluent moins.”
Un processus à priori vertueux, à moins que… “des gens arrivent à s’infiltrer là-dedans en montant des sociétés fictives dans les paradis fiscaux pour négocier des quotas d’émission de CO2”, explique le journaliste. A la clé, “des centaines de milliers d’euros de gains chaque jour.” Mais comment procèdent-ils exactement ? “On peut acquérir des quotas hors taxe (HT) à l’étranger, puis les revendre à des sociétés françaises toutes taxes comprises (TTC), la TVA devant (normalement) être reversée à l’Etat – ce qui n’a pas été fait”, précise Emmanuel Dusch, officier des Douanes judiciaires – SEJF.
Les gains des escrocs atteignent des montants considérables. “En Europe, ça a été estimé (…) à 5 milliards d’euros”, poursuit l’officier. “La fraude a tué le système dans l’œuf. C’était un système qui était devenu entièrement vérolé, et qui n’avait plus aucun effet en terme écologique.
Pour tenter de débusquer les “cerveaux” au cœur de ce “Casse du siècle”, les enquêteurs français commencent d’abord à suivre la piste des sociétés qui achètent puis revendent les crédits carbones, à la recherche des véritables commanditaires. En interrogeant les “gérants de paille” de ces entreprises – épiciers, retraités, jardiniers… – le nom de Cyril Astruc commence à faire surface. Pendant ce temps, les autorités belges remontent la trace d’un certain Alex Khann. En recoupant leurs informations, les services français et belges comprennent qu’il s’agit en réalité du même individu.
Pendant ce temps, Cyril Astruc, lui, mène une existence somme toute détendue en Israël, sous un troisième alias, celui de “Benny”. Dans ce pays, où il possède entre autres des propriétés cossues, des boutiques de luxe, un ranch de chevaux de course, une boîte de nuit ainsi qu’un bar, l’arnaqueur est filmé en train de s’amuser en compagnie d’oligarques russes. “Il avait ce côté caméléon qui est sa force, et qui explique qu’il se soit retrouvé en haut de la pyramide”, commente Emmanuel Dusch.
Et l’activité de Cyril Astruc – Alex Khann ne s’arrête pas là. De l’autre côté de l’Atlantique, son nom figure au générique de films de série B tels que NeoWolf (2011) en tant que “producteur”. Mais en 2012, les autorités israéliennes commencent à s’intéresser à son cas. L’évènement déclencheur n’est autre qu’un banal accident de voiture impliquant une Ferrari. Au volant du véhicule : Cyril Astruc lui-même. Alors que les discussions s’enveniment après la collision, la police décide de l’interpeller.
L’année suivante, sa villa israélienne est perquisitionnée. “Il y a deux espèces de molosses à l’entrée, qui signent déjà qu’on n’est pas chez n’importe qui. Il y a toute une série de véhicules de luxe. On découvre une villa qui pourrait être la caricature du ‘rêve de nouveau riche’, que l’on voit dans des émissions de téléréalité”, détaille Nicolas Baïetto, ex-vice-procureur du parquet de Paris. Salle de sport, billard, ascenseur intérieur, piscine gigantesque, cours de tennis… “Au total, il y en avait pour 15 millions d’euros”, estime-t-il.
En 2014, les autorités françaises interceptent le “Prince du Carbone” alors que celui-ci arrive à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle en provenance d’Israël, sous l’identité d’Alex Khann. Conduit au Pôle financier de Paris, il est reçu par Guillaume Daieff, alors juge d’instruction au tribunal de grande instance de Paris. “Je n’avais jamais vu ça, mes collègues non plus. A un moment, il y avait 13 avocats (autour de lui)”, se souvient-il.
Continuant à soutenir son innocence dans l’affaire de la fraude au carbone, Cyril Astruc est placé en détention provisoire à la prison de Fresnes. Ses co-détenus ayant accès à la presse où un article le surnomme “l’homme qui valait dix millions”, il est placé à l’isolement, par mesure de protection. Il restera derrière les barreaux pendant une quinzaine de mois, avant une sortie sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire français, payant pour cela une caution de 4 millions d’euros.
Le 29 mai 2017, s’ouvre le procès de Cyril Astruc dans l’affaire dite du “Casse du Siècle”. Le mis en cause ne s’y présentera… que le premier jour. Les enquêteurs décident alors de lui rendre visite à son domicile connu. Mais des sources dans l’immeuble leur apprennent que l’occupant n’est plus là, et que ses meubles ont disparu. Pendant ce temps, le tribunal le condamne à la peine maximale de 10 ans d’emprisonnement, deux millions d’euros d’amende et des peines de confiscation – dont celle de sa villa. C’est à ce moment qu’interpol lance une “notice rouge”, c’est-à-dire un mandat d’arrêt à son encontre.
En août 2017, Cyril Astruc, en pleine cavale, envoie un mail aux enquêteurs français. “Oui pour payer, mais pas pour un mythe. Pas pour une fausse légende”, écrira-t-il. Craint-il réellement pour sa vie ? “Il y avait quand même eu plusieurs meurtres en France autour des affaires carbone, donc il avait peur à juste titre”, reconnaît Emmanuel Dusch. En effet, au moins sept hommes auraient payé de leur vie leur implication dans cette fraude. “Là où il y a de l’argent, il y a du sang”, commente Fabrice Arfi de Mediapart.
Si la traque du “Prince du carbone” dure depuis maintenant une dizaine d’années, les enquêteurs ne se leurrent pourtant pas sur l’endroit où il a trouvé refuge. “On pense qu’il est à Herzliya (district de Tel Aviv, NDLR)”, confie l’officier des Douanes judiciaires. “Monsieur Astruc a pris la route depuis Paris jusqu’à Monaco. Il a probablement pris un yacht jusqu’à Tel Aviv”, confirme anonymement un officier israélien. “A son arrivée, il (a) tout (fait) pour obtenir la protection du milieu mafieux”, indique-t-il.
Alors qu’Israël n’extrade pas ses ressortissants – même ceux figurant sur la liste rouge d’interpol, Cyril Astruc continuerait, lui, à vivre dans le luxe… et même à se mettre en scène. “C’est un gars drôle. Il nous fait rigoler, mais on va l’attraper”, assure Emmanuel Dusch. “Tôt ou tard, on le retrouvera et il sera arrêté. C’est une question de temps”, confirme Bernard Petit, ex-sous-directeur à la Police judiciaire française.
Plus d’une année de discussion sur une messagerie cryptée a été nécessaire pour que le “Prince du carbone” accepte finalement de rencontrer un journaliste. Un entretien exceptionnel, filmé en caméra discrète, à découvrir dans le premier numéro de la série documentaire “Planet Killers” – consacrée aux pires criminels environnementaux et à leur traque. A l’échelle mondiale, le crime environnemental rapporte environ 250 milliards de dollars par an – ce qui en fait l’un des trafics les plus lucratifs.
A voir : Planet Killers – Le Prince du Carbone, diffusion le lundi 23 janvier à 21 h sur France 5, et en replay sur France.tv.
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