Pourquoi le chômage est au plus bas en Europe malgré une … – La Tribune.fr

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La crise énergétique et la pandémie continuent de donner le vertige aux économistes. Après de longues années de crise sanitaire et une guerre en Ukraine interminable, l’économie sur le Vieux continent est toujours plongée dans un épais brouillard. La plupart des économistes ont révisé brutalement à la baisse leurs prévisions de croissance depuis l’éclatement du conflit en février dernier. Le resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) risque de porter un coup sévère à l’activité.
Sur le plan géopolitique, la crise de l’énergie a ravivé les divisions dans l’Union européenne à 27. Même si la Commission européenne a tracé une feuille de route pour réduire la dépendance des Etats de l’UE au gaz russe, la transition vers une économie décarbonée risque de prendre du temps malgré l’ambition affichée des chefs d’Etat pour passer à la vitesse supérieure. Ce contexte troublé continue d’alimenter les paradoxes économiques.
En dépit d’un coup de frein brutal de l’économie partout sur le Vieux continent, les chiffres de l’emploi et du chômage restent globalement favorables. En zone euro, le taux de chômage est tombé au plus bas en septembre à 6,6% de la population active, un record depuis 1998. En France, l’emploi salarié a continué d’accélérer au cours du troisième trimestre à 0,4% selon l’Insee. Ce chiffre est deux fois supérieur aux dernières prévisions de l’institut de statistiques.
Dans leur note de conjoncture du 6 octobre dernier, les statisticiens tablaient sur une hausse de 0,2%. « Les créations d’emplois ralentiraient en lien avec l’inflation », soulignait l’Insee il y a seulement quelques semaines. « L’emploi salarié a continué de progresser au troisième trimestre à un rythme comparable aux deux trimestres précédents. Ces résultats sont relativement surprenants au regard de l’évolution de l’activité », explique Yves Jauneau, chef de la division synthèse et conjoncture à l’organisme public interrogé par La Tribune. Ce paradoxe remet ainsi en question le lien entre croissance, inflation et emploi.
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Cette hausse concerne l’ensemble des secteurs en France. Dans l’intérim, les agences recrutent à tour de bras (+2,3%). Le tertiaire marchand (+0,6%) et l’industrie (0,4%) participent également à cette hausse au cours du troisième trimestre. Compte tenu du poids des services dans l’économie française, les bons chiffres dans le tertiaire (+60.000) contribuent à cette dynamique générale. A l’inverse, l’emploi dans l’agriculture est en repli entre le second et le troisième trimestre (-1,7%) avec 5.000 emplois en moins.
Sur le plan du chômage, « on observe une stabilisation entre la fin 2021 et mi-2022  après un mouvement de baisse. La population active a augmenté en raison notamment d’une plus forte participation des jeunes et des seniors au marché du travail. Sur la fin de l’année, en octobre 2022, nous tablions sur une stabilisation du marché du travail. Les prochains résultats seront publiés le 15 novembre prochain,»  affirme Yves Jauneau.
Au final, le taux de chômage au sens du bureau international du travail (BIT) ne devrait pas beaucoup baisser d’ici la fin de l’année. « Dans nos prévisions, le taux de chômage pourrait s’établir à 7,4% en 2022 et 7,5% en 2023. Ces chiffres sont relativement favorables pour la France mais on reste encore loin de l’objectif du plein emploi. Le taux de chômage chez les moins de 25 ans et les plus de 55 ans en France est supérieur à la moyenne européenne,» note l’économiste en cheffe du cabinet BDO Anne-Sophie Alsif. En Europe, « les gouvernements ont décidé de maintenir une politique budgétaire expansionniste. Ce stimulus budgétaire a permis de soutenir la demande sur le marché du travail. Globalement, il n’y a pas eu de faillites massives et la politique budgétaire a permis de maintenir une activité économique. L’objectif pour les Etats est d’éviter une récession coûte que coûte », souligne l’économiste.
Une des principales raisons évoquée par les économistes pour expliquer le paradoxe entre le niveau d’activité et celui des embauches est le boom de l’apprentissage dans l’Hexagone. « L’alternance est restée très dynamique. Depuis l’avant-crise, un tiers des créations d’emplois concerne des contrats en alternance ou en apprentissage », indique Yves Jauneau. Depuis 2018, le gouvernement a entrepris une vaste réforme de l’apprentissage qui a libéralisé l’ouverture des centres de formation et ouvert les inscriptions aux 26-29 ans. En réponse à la crise sanitaire, le gouvernement avait également mis en place des aides importantes pour l’embauche d’un mineur (5.000 euros) ou d’une personne majeure (8.000 euros).
Ces aides, programmées jusqu’au 31 décembre 2022, pourraient se poursuivre l’année prochaine. En effet, lors de la présentation du budget 2023, le gouvernement a annoncé une enveloppe de 3,5 milliards d’euros qui pourrait servir au financement de ces aides. « L‘apprentissage peut expliquer une partie des bons chiffres de l’emploi chez les jeunes. En revanche, le taux d’emploi des plus de 55 ans demeure en deçà de la moyenne européenne. Un des leviers pour améliorer ce taux d’emploi serait de repousser l’âge de départ à la retraite ou d’améliorer la formation des personnes de plus de 40 ans qui exercent un métier dit « pénible »,» souligne Anne-Sophie Alsif.
La crise énergétique ébranle le tissu productif en Europe. En Allemagne, l’industrie tourne au ralenti depuis la pandémie et la dépendance des usines aux énergies fossiles risque de mettre à mal le modèle rhénan basé sur un modèle énergivore pointé du doigt dans le contexte du réchauffement climatique.
De ce point de vue, la spécialisation de l’économie française dans le tertiaire peut être un atout sur le front de l’emploi dans le contexte de la flambée des prix de l’énergie. « Une des raisons qui peut expliquer ce paradoxe en France [entre le niveau d’activité et l’emploi] est la spécialisation de l’économie dans les services. Cette spécialisation permet d’avoir moins d’emplois détruits lorsqu’il y a une crise énergétique importante.  En Allemagne, les destructions d’emplois peuvent être plus nombreuses en raison du poids de l’industrie dans son modèle économique. Ce n’est pas une raison pour ne pas réindustrialiser la France», tempère Anne-Sophie Alsif.
La plupart des grandes enquêtes de conjoncture menées par la Banque de France ou l’Insee rappellent que les difficultés de recrutement restent à un niveau particulièrement élevé. La direction de la statistique du ministère du Travail a recensé une dizaine de métiers en tension en France. Du technicien en mécanique et travail des métaux à l’infirmier en passant par les plombiers, la liste de ces métiers peut varier d’une région à l’autre. Chez les cadres, ces difficultés sont particulièrement exacerbées. « Malgré la guerre en Ukraine, la crise énergétique et l’inflation, nous n’observons pas d’infléchissement des courbes […] L’année 2022 sera peut être une année record en matière de recrutement des cadres », a déclaré Lætitia Niaudeau, directrice générale de l’APEC lors d’un récent point presse.
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Ce phénomène, loin d’être récent en France, s’est amplifié depuis la pandémie. Les périodes de confinement à répétition ont provoqué des mouvements massifs sur le marché du travail. Entre les démissions, les reconversions, les départs et les changements de domicile, beaucoup d’entreprises ont dû trouver rapidement de la main d’oeuvre au moment de la levée des mesures de restriction.
Ces multiples frictions ont provoqué de vives tensions entre l’offre et la demande sur le marché du travail des derniers mois. Dans ce contexte tendu, « on peut émettre l’hypothèse que certaines entreprises ont fait de la rétention de main d’oeuvre face aux difficultés de recrutement. Elles peuvent garder leurs salariés par sécurité », indique Yves Jaunau. En effet, les démarches et les processus de recrutement peuvent représenter un coût très important dans certains secteurs.
Cette embellie sur le front de l’emploi ne s’est pas accompagnée d’une amélioration des revenus des salariés. Dans les pays développés, le revenu réel des ménages par tête a baissé de 1% au cours du premier trimestre alors que l’activité continuait de progresser selon de récentes statistiques de l’OCDE. C’est d’ailleurs en France que le revenu des ménages a le plus reculé sur cette période malgré une inflation plus faible que dans les autres pays Europe.
Comment expliquer un tel décrochage ? Une grande partie des salaires en France ne sont pas indexés sur l’inflation, à l’exception du SMIC. Résultat, les salaires réels dans le secteur privé, c’est-à-dire en prenant en compte l’inflation, ont reculé au cours des derniers trimestres comme l’indiquent les derniers chiffres du ministère du Travail dévoilés ce jeudi 10 novembre.
La différence entre le rythme des créations d’emplois (+,04%) et l’activité (+0,2%) ces derniers trimestres entraîne mécaniquement des pertes de productivité. « La productivité est inférieure de 3% à la situation d’avant crise, » poursuit le statisticien de l’Insee.
Outre les phénomènes de rétention, l’économiste avance plusieurs hypothèses pour tenter d’expliquer cette érosion des gains de productivité. « Il y a d’abord un effet « durée du travail » avec des congés maladie plus fréquents durant la pandémie. L’embauche des apprentis peut également jouer sur la productivité. Ils sont en partie en étude et il peut y avoir un effet de montée en compétences progressive. Enfin, avec le dispositif d’activité partielle lié à la crise sanitaire, les entreprises sont peut-être plus enclines à davantage déclarer leurs salariés qu’auparavant, même si cela reste très difficile à objectiver. »
Après plusieurs années de baisses consécutives, le chômage pourrait repartir à la hausse. La guerre en Ukraine a amplifié les phénomènes de pénurie sur tout le Vieux continent et l’inflation menace grandement la croissance l’année prochaine. De plus en plus d’économistes redoutent une récession généralisée en Europe. En France, le gouvernement table toujours sur une croissance de 1% l’année prochaine mais cette hypothèse est de moins en moins crédible au regard des dernières projections des économistes.
La Banque de France, qui rappelle régulièrement que l’économie française résiste, a intégré une hypothèse de récession dans sa dernière fourchette de prévisions du mois d’octobre. Résultat, le marché du travail pourrait se retourner en France. Et même si l’économie tricolore évite la récession, plusieurs économistes s’attendent à une croissance moins riche en emplois en 2023. En Europe, la menace de récession en Allemagne et en Italie ne laisse pas présager un hiver particulièrement favorable sur le front du chômage.
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