Newsletter « 21 Millions » (Capital) : « L'euro numérique doit être … – Banque de France

Institution indépendante régie par le droit public français et européen, membre de l’Eurosystème, système fédéral qui regroupe la Banque centrale européenne et des banques centrales nationales de la zone euro
La Banque de France contribue à la définition de la politique monétaire de la zone euro et s’assure de sa mise en œuvre en France pour le compte de l’Eurosystème.
L’une des missions fondamentales de la Banque de France est d’assurer la stabilité financière, c’est-à-dire un fonctionnement efficace du système financier et suffisamment robuste pour résister aux chocs susceptibles de l'affecter.
Notre expertise économique est présentée en termes de recherche, de prévisions et de relations internationales. Ces activités, intimement liées, contribuent au diagnostic nécessaire à la conduite de la politique monétaire.
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Depuis quand la BdF s’intéresse aux crypto-actifs ? Depuis le projet Libra (puis Diem) de Facebook (désormais Meta) ? Depuis l’essor des stablecoins et de la DeFI ? Ou depuis bien plus longtemps ? 
Il faut mettre les choses en perspective et repartir de notre mandat de stabilité financière que le législateur nous a confié, qui inclut en particulier de veiller au bon fonctionnement de notre système de paiement. Dans ce cadre-là, nous suivons de très près toutes les innovations susceptibles d’améliorer ou d’affecter négativement le fonctionnement du système financier, à la fois en termes d’efficacité mais aussi en termes de sécurité.
Nous nous sommes donc penchés très tôt sur l’utilisation des crypto-actifs et des technologies dites de registre distribué (ou blockchain) sur lesquels ils s’appuient, notamment le bitcoin. Cela nous a conduit à publier, dès 2013, un communiqué sur les crypto-actifs et plus particulièrement sur le bitcoin, afin d’apporter des éléments d’information au public sur ces actifs. Nous avions alors souligné que ces actifs ne pouvaient pas être considérés comme des monnaies, et alerté sur les risques associés à leur utilisation, ainsi que sur les moyens à mettre en œuvre pour les encadrer.
Ce mandat de stabilité financière nous a amené à participer à l’élaboration du régime applicable aux actifs numériques en France, instauré par la loi Pacte du 22 mai 2019 pour encadrer les activités des prestataires de services sur actifs numériques. Donc non, notre intérêt ne date pas de 2019 et de l’initiative à laquelle vous faites référence.
 
Vous ne faîtes pas qu’observer le développement de cet écosystème, vous y participez aussi via vos nombreuses expérimentations. Pouvez-vous les détailler ?
Les expérimentations sont une des dimensions importantes de notre activité concernant l’écosystème des crypto-actifs. Notre objectif est de bien comprendre les caractéristiques, les avantages et les inconvénients ou risques associés à cet écosystème en plein développement. Et de contribuer à faire en sorte que celui-ci se développe sur des bases saines. Nous avons, pour ce faire, différents leviers à actionner : le développement d’un cadre réglementaire adapté d’un côté, et des services en monnaie de banque centrale de l’autre, et nous expérimentons actuellement la mise à disposition sous forme tokénisée de l’actif de règlement que nous émettons, la monnaie de banque centrale.
En matière d’expérimentations sur les monnaies numériques de banques centrales (MNBC), il faut en réalité distinguer celle pour les paiements de détail, de la vie quotidienne, que l’on appelle “euro numérique”, et celle pour les paiements dits “de gros”, destinée aux paiements entre intermédiaires financiers.
Sur cette dernière, la BdF a lancé un vaste programme d’expérimentations avec des acteurs privés et publics en 2020. La première tranche qui comprenait 9 expérimentations s’est achevée en fin d’année dernière, et nous venons d’engager la 2e tranche, qui devrait comprendre 4 ou 5 expériences supplémentaires.
 
Quels sont les objectifs de ces programmes ?
Notre principal objectif est de voir si et comment une MNBC circulant sous la forme de jeton sur un registre distribué (ou une blockchain) peut contribuer à améliorer l’efficacité et la rapidité des règlements, en particulier transfrontaliers, de titres financiers. Et ce dans un contexte où les actifs financiers sous forme tokenisées (de jetons) se développent rapidement.
Les résultats obtenus jusqu’à présent sont très encourageants. Ces expérimentations nous ont aussi permis de développer deux actifs innovants : une technologie de registre distribué propriétaire (appelée DL3S) et une plateforme de tenue de marché automatisée. Ces infrastructures vont nous permettre, avec les nouvelles expérimentations que nous engageons, de nous rapprocher d’un prototype viable de MNBC et de tester celui-ci avec davantage d’acteurs privés et de banques centrales étrangères.
 
Quelles sont les différences entre la MNBC dite “de gros” et l’euro numérique ? 
Les deux sont des monnaies numériques émises par la banque centrale. L’euro numérique est la MNBC destinée au grand public et aux paiements de la vie quotidienne. Des expérimentations le concernant sont conduites dans le cadre d’une phase d’investigation lancée en juillet 2021 et pilotée par la BCE avec les banques centrales nationales des pays de la zone euro, parmi lesquelles la BdF qui est particulièrement active sur cette question.
L’objectif est de déterminer les caractéristiques à réunir pour que l’euro numérique soit adapté et attractif aux yeux du grand public, de sorte qu’il constitue une alternative pour chacun comme moyen de paiement dans l’avenir et garantisse notre liberté de choix. Et qu’il garantisse parallèlement la confiance dans notre système de paiement et notre monnaie grâce au maintien de l’ancrage du système sur la monnaie de banque centrale.
 
Pourquoi avoir lancé ces expérimentations ?
Cette démarche vient du fait que nous avons identifié un risque important, avec la numérisation rapide en cours de notre économie, que le paysage des paiements soit demain dominé par les géants internationaux du numérique et leurs moyens de paiement privés. Avec toute une série de problèmes associés à une telle perspective si elle vient à se matérialiser, en termes de protection des données personnelles, de stabilité financière, de souveraineté industrielle et monétaire.
 
Et quels sont les avantages de ces MNBC ?
Celles que nous sommes en train d’expérimenter pourraient avoir de nombreux impacts potentiellement positifs sur l’écosystème financier national et mondial. L’un d’entre eux est de contribuer à améliorer les paiements transfrontaliers, qui demeurent aujourd’hui longs et coûteux. Les MNBC peuvent permettre de simplifier et d’automatiser la chaîne des intervenants impliqués dans la gestion de ces paiements, et en particulier de simplifier les activités de correspondance bancaire.
Avec le développement de la “tokenisation” des actifs financiers, ces monnaies de banques centrales peuvent par ailleurs faciliter l’intégration des traitements automatisés de bout en bout, des activités dites de “post-marché”, de compensation et de règlement.
Un troisième intérêt à mettre en avant est le maintien de l’ancrage des activités de paiements sur la monnaie de banque centrale, l’actif de règlement le plus sûr et le plus liquide, en l’offrant sous une forme adaptée au développement des échanges numérisés auxquels nous assistons, tant dans les échanges entre professionnels qu’avec les particuliers.
 
Quels enseignements avez-vous tiré de la première phase d’expérimentations conclue en fin d’année dernière ?
Au-delà du fait que cela nous a permis de développer deux actifs (une blockchain et une plateforme de tenue de marché automatisée) qui sont des éléments importants pour la suite de nos expérimentations, la BdF tire plusieurs enseignements de cette première phase. Premièrement, le fait que les monnaies numériques de banques centrales qui circuleraient sous forme de jetons sur des blockchains pourraient effectivement améliorer la fluidité et la rapidité des règlements des titres financiers en assurant un traitement de bout en bout, de l’achat au transfert de propriété, en générant pour les participants des économies de capital et de liquidité. Ces améliorations seraient notamment sensibles pour les paiements transfrontaliers Les expérimentations nous ont enfin permis de mesurer l’importance d’assurer une interopérabilité entre les infrastructures, à deux niveaux : d’une part entre les infrastructures actuelles (systèmes de règlement-livraison et de paiement centralisé et ces nouvelles infrastructures décentralisées), mais aussi entre ces nouvelles infrastructures. Car différentes initiatives émergent, donc nous pouvons imaginer que différents systèmes vont coexister à l’avenir. Il est donc essentiel, pour l’efficacité et la sécurité d’ensemble des infrastructures de marché, qu’elles puissent communiquer convenablement entre elles.
Ce sont les trois principaux enseignements qui nous ont conduits à considérer nécessaire la poursuite de nos travaux, d’où la 2e tranche d’expérimentations que nous venons de lancer et qui va se dérouler en cette fin d’année et au cours du premier semestre 2023.
 
En quoi consiste cette deuxième tranche ?
Nous avons des éléments pour nous rapprocher d’un prototype pour le règlement des actifs financiers, et nous allons l’expérimenter avec des acteurs privés et d’autres banques centrales. Puis nous en tirerons les leçons le moment venu.
 
Vous mentionnez toujours les crypto-actifs mais ne faites jamais référence aux crypto-monnaies ? Est-ce que cette distinction est volontaire et, si oui, qu’est-ce qui sépare ces actifs du statut de monnaie ?
Nous qualifions effectivement le bitcoin et consorts de “crypto-actifs” car, pour être considéré comme une monnaie, un actif de règlement doit pouvoir être utilisé par tous, de façon efficace et sûre. Pour cela, il doit avoir les trois caractéristiques d’une monnaie, à savoir être une unité de compte, un instrument d’échange universellement accepté et une réserve de valeur. Or aucun crypto-actif ne dispose de ces trois attributs, c’est pour cela que l’on ne parle pas de crypto-monnaie.
De nombreuses raisons expliquent cette situation, qui incluent l’absence de valeur intrinsèque, d’actif sous-jacent qui reflète l’activité économique, l’absence d’une garantie d’échange au pair avec les monnaies de banques centrales qui ont cours légal. On peut aussi mentionner l’absence d’un émetteur chargé, comme les banques centrales, de veiller à la stabilité de la valeur de leur actif, et de jouer le rôle de prêteur en dernier ressort.
Il en résulte une très forte instabilité de la valeur de ces crypto-actifs, l’actualité récente en apporte une nouvelle illustration avec l’effondrement d’un “soit-disant” stablecoin comme l’UST (écosystème TerraLuna). Les crypto-actifs auxquels nous faisons référence sont plutôt des actifs spéculatifs. Les investisseurs peuvent avoir un intérêt à les utiliser ou à investir dessus. Ces actifs spéculatifs s’apparentent plus aux bulbes de tulipes aux Pays-Bas au 17e siècle qu’aux monnaies que nous connaissons aujourd’hui.
Ce point de sémantique peut sembler être un détail mais c’est au contraire extrêmement important d’être précis pour assurer une bonne information des utilisateurs.
 
Un point sur la réglementation du secteur, à laquelle vous participez également ?
Le projet de règlement MiCA, qui va bientôt introduire un cadre harmonisé et adapté aux crypto-actifs à l’échelle de l’UE, est une initiative que nous appelons de nos vœux. C’est un élément important pour assurer son développement sur des bases saines. Ce cadre est donc le bienvenu car il permet de fixer clairement les règles du jeu pour les émetteurs de crypto-actifs et les prestataires de services et d’encadrer les risques associés au développement et à l’utilisation de ce type d’actifs.
L’écosystème évolue néanmoins très rapidement et nous voyons désormais se développer ce que l’on appelle la finance décentralisée (DeFi). Et il est, à nos yeux, très important que dans ce projet de règlement ait été inscrit la production d’un rapport approfondi sur ce phénomène de la DeFI. Ce rapport devant permettre de surveiller les évolutions au sein de ce marché, puis éventuellement de l’encadrer, là aussi pour qu’il puisse se développer d’une manière saine.

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