Moins de logements, plus de parcs… Les choix écologistes pour les … – Rue89 Strasbourg

Lorsqu’une nouvelle équipe prend les commandes dans une ville, il y a « les coups partis » et les dossiers avec « des marges de manœuvres », compare la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian (EELV). Avec des travaux prévus jusqu’en 2030, le quartier des Deux-Rives fait partie de la deuxième catégorie. La municipalité écologiste s’est donc attelée à « concilier des enjeux qui peuvent paraître contradictoires » : le besoin de logements, la qualité de vie, l’implantation d’équipements publics, tout en limitant la consommation des terres.
Le secteur des Deux-Rives, qui va de Neudorf jusqu’au Rhin, ne sont pas une terre inconnue pour les écologistes puisque deux élus de l’actuelle majorité, Alain Jund et Syamak Agha Babaei s’occupaient des dossiers d’urbanisme dans la précédente. Mais la construction du « Strasbourg am Rhein, » cher à Roland Ries, était le grand chantier dans lequel l’ancien maire s’impliquait personnellement.
Après 18 mois de réflexion des écologistes pour leurs « réorientations », le programme de la société publique locale (SPL) des Deux-Rives a été dévoilé mercredi. Il prévoit désormais la construction de 3 700 logements d’ici 2030, contre 4 400 auparavant, soit une diminution de 16%. Et même si « tout n’était pas à reprendre », selon Françoise Schaetzel, vice-présidente de l’Eurométropole en charge de « l’urbanisme opérationnel », le principal reproche était « un déficit flagrant d’équipements publics, à part les écoles, ce qui est le minimum syndical » selon Jeanne Barseghian. Pour la présidente de l’Eurométropole Pia Imbs (sans étiquette), ce projet « révisé » permet de mieux prendre en compte « la qualité environnementale » et « les espaces verts », notamment avec des bâtiments « plus responsables ». Elle rappelle que les immeubles représentent « 56% des gaz à effets de serre » dans la métropole.
Tout ces choix coûteront 44,7 millions d’euros (8,3 pour la Ville et 36,4 pour la métropole) pour la période 2021-2026. Passage en revue d’Est en Ouest, en partant du Rhin.
Là où sept tours étaient programmées (la délibération juste avant les élections avait été retirée in extremis), le nouveau programme en compte six, mais « moins épaisses ». La hauteur, jusqu’à 50 mètres, n’a pas été remise en cause. C’est un parti pris général pour moins construire au sol (62 à 85% d’espaces « non-bâtis » selon les secteurs) sans trop rogner le nombre de logements : ne pas raboter les grands bâtiments et en particulier une future « skyline » strasbourgeoise le long du fleuve.
Au pied du pont du tram, sur l’espace de l’ancienne « Cour des douanes », aujourd’hui détruite, des aménagements sportifs sont prévus en 2023, ainsi qu’un studio de musique, une médiathèque et un espace « France Service », qui regroupe tout un panel d’administrations et d’institutions pour 2025. Deux des six tours y trouveront place.
Pour faciliter les déplacements des actuels et futurs habitants, il a souvent été évoqué que l’ancienne gare SNCF du Port-du-Rhin pourrait être réouverte pour accueillir le « Réseau Express métropolitain » élaboré avec la Région Grand Est qui débutera en 2022. Mais ce projet est dans l’impasse. « L’une des difficultés est le passage des TGV sur ces voies, ce qui n’est pas compatible avec des trains qui s’arrêtent fréquemment en gare. Il faudra peut-être la délocaliser », explique Éric Hartweg, le directeur de la SPL des Deux-Rives.
Pour minimiser la coupure entre anciens et nouveaux habitants, une école primaire sera implantée d’un côté de l’avenue du Rhin, tandis que l’école élémentaire se situera de côté l’autre. La rue Jean Monnet, qui passe sous l’avenue du Rhin, est appelée à devenir un lieu de vie et de passage naturel entre l’ancien et le nouveau quartier.
Le parti pris de l’urbaniste Alexandre Chemetoff était de réutiliser au maximum l’existant de l’ancien siège social de Coop Alsace, face aux industries. Une orientation qui convient aux écologistes, dans cette partie la moins peuplée à l’avenir (550 logements). C’est peut-être dans ce quartier que les réorientations sont les moins prégnantes.
Principal ajout, une salle polyvalente à destination du quartier historique, dans la salle dite de la Cave à vins, ainsi qu’un centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA).
Pas de changement prévu pour ce parc imaginé sur cet ancien bras du Rhin, entre les quartiers Coop et Starlette. Il sera longé par la rue du Péage, en voie d’achèvement, qui détournera le trafic qui passe aujourd’hui le long du futur quai Starlette. Un emprise est également réservée pour pouvoir prolonger la ligne F jusqu’à l’arrêt Starcoop, lors d’un futur mandat.
Le long de l’eau, les écologistes veulent éviter un grand « quartier dortoir ». Ils prévoient notamment une maison de la Petite Enfance et des activités tertiaires. La municipalité souhaiterait des immeubles un peu moins imposants que ceux actuellement en construction (« RiveActive » de 200 logements).
Bien que bâtie qu’à 15% des surfaces et 68% de surfaces végétalisées, il s’agira de la partie la plus peuplée des Deux-Rives, avec 1 450 nouveaux logements. La municipalité et la SPL privilégieront des bâtiments « bioclimatiques » qui favorisent la ventilation naturelle et avec beaucoup de lumière. Côté bassin, un quai verdoyant est prévu, tandis que côté rue, les voitures iront dans un parking en silo et la circulation abaissée à 20 km/h pour avoir un lieu apaisé.
Cette nouvelle approche est aussi la résultante de choix financiers « À cet endroit, la dépollution des sols coûte très cher. Avant, il y avait cette contrainte d’équilibrer les comptes malgré ces coûts importants, ce qui pousse à choisir de grands ensembles », détaille Éric Hartweg directeur de la SPL. Avec une participation publique accrue, l’Eurométropole pourrait accepter des offres d’immeubles plus petits et aérés.
La partie nord de cette bande de terre, en cours de programmation, accueillera notamment un institut d’hôtellerie-restauration. La question d’y implanter un gymnase, et surtout un collège, une compétence du Département (devenu CeA), est toujours à l’étude.
Par rapport aux plans initiaux, le projet de parc sera élargi sur la partie ouest et au nord de la presqu’île. Cette partie sera reliée, comme prévu, au parc de la Citadelle sur l’autre rive, via une passerelle piétonne et cycliste.
La passerelle va d’ailleurs être surélevée, ce qui prendra plus de temps et coûtera 2 millions d’euros de plus. Une nécessité pour permettre le passage de bateaux d’une hauteur importante, une demande du Port autonome.
Avec un total de 910 logements, environ 10% de moins que prévus initialement, la municipalité aimerait créer « un quartier bas carbone », c’est-à-dire avec des matières et des techniques moins nocives pour l’environnement et de moyenne hauteur. Le choix final pourrait valoir les critiques de l’opposant Alain Fontanel, qui lors de la campagne des élections municipales proposait de ne rien construire, à part une fondation artistique, sur cette partie nord de la presqu’île et y implanter un très grand parc.
Quant à la tour « Émergence » annoncée dès 2018 pour une réalisation en 2021, elle est « toujours programmée », mais ce chantier n’est pas lancé. « On se laisse un peu de temps pour voir », temporise Éric Hartweg.
Enfin, la SPL a lancé un « appel à manifestations d’intérêt » pour l’occupation des deux halles et des espaces extérieurs dans l’herbe, pour une durée de 3 ans à partir du printemps. Elle espère y installer un lieu « d’animation conviviale » ouvert toute l’année, après l’ouverture en extérieur du Phare Citadelle pendant l’été 2021.
Alors que les écologistes ont amorcé une « dédensification » des Deux-Rives, les choix précis retenus le long du fleuve seront très important pour l’urbaniste strasbourgeois Alfred Peter :
« Il n’y a pas d’image forte de Strasbourg et du Rhin. Le fleuve a été canalisé pour devenir un tuyau insipide. Or aujourd’hui, avec l’enjeu climatique, on a besoin de l’inverse comme des zones humides. Le long de Loire, qui n’a pas été canalisée, Nantes a ouvert une promenade artistique jusqu’à Saint-Nazaire. Il faut veiller à ne pas banaliser les rives avec des constructions qui existent partout comme des logements. Sur cette question de notre rapport au Rhin, qu’est-ce que Strasbourg peut apporter sur son tronçon ? C’est une occasion comme il s’en présente une fois par siècle et il faut que la décision dépasse l’enjeu du moment. »
Pour Jeanne Barseghian, l’ambition est de « prolonger cette reconquête » de la ville vers l’Allemagne. La « ville sur le Rhin ». Elle imagine une « grande promenade », avec « de nouveaux passages » qui rapprocheront les deux rives. « Ce sera un rapport quotidien et vécu », complète-t-elle en référence aux nouveaux lieux de vie (médiathèques, espaces sportifs, services publics, commerces, etc.) près des berges. Cette « grande promenade » vise notamment à relier les forêts du Rohrschollen au sud et de la Robertsau au nord.
Ces orientations doivent être votées lors du conseil municipal du lundi 31 janvier, à suivre comme à chaque fois en direct-commenté sur Rue89 Strasbourg à partir de 12h30.
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