L'interconnexion n'est plus assurée – Chronique impatiente de la … – Le Monde

Chronique impatiente de la mobilité quotidienne
La photo est moche, bancale, prise à la volée un soir d’hiver dans un sous-sol éclairé aux néons. Elle représente trois tickets de métro blanc et rouge, cornés, posés sur un froid plateau métallique. Cette image a pourtant rencontré un vif succès, presque inexplicable, sur Twitter, avec plus de 7100 retweets et 64000 « likes », des posts sur Facebook ou Mastodon et même une traduction en turc.
Les tickets de métro, valables une heure, ont été déposés à l’entrée du métro Croix-Rousse, à Lyon, par des usagers ayant terminé leur voyage. Ils sont destinés à d’autres passagers, qui, en passant à cet endroit  à ce moment-là, peuvent bénéficier d’un ticket gratuit, « suspendu », tel un café suspendu, par un quidam prévenant. La pratique, répandue à Lyon, arrange les usagers qui, sur le plateau de la Croix-Rousse, perché en haut de pentes abruptes, n’empruntent le métro que pour deux stations.
Un torrent sur Twitter. Le succès d’un tweet, même si le message est neutre, entraîne des réactions multiples, désordonnées, alambiquées, hostiles, parfois haineuses. Vous connaissez peut-être la mésaventure de l’écrivaine Sophie Griselle, qui célébrait en novembre dernier son doctorat en égyptologie, en postant une simple photo d’elle-même, en train d’ouvrir une bouteille de champagne. Des centaines de personnes l’avaient inondée sous un torrent d’insultes, de  misogynie, de méchanceté, de bêtise. Twitter commentait la taille de son nez, son âge supposé, la durée de ses études, la marque du champagne. « Un harcèlement incontrôlable », raconte-t-elle. Certains ignares lui expliquaient que l’égyptologie ne sert à rien, d’autres assuraient, balayant des siècles d’études scientifiques, que les pyramides d’Égypte avaient été construites par des extra-terrestres… Sophie Griselle raconte le harcèlement qu’elle a subi ici.
Déplacements « gratuits ». Rien d’aussi dramatique à propos de ces petits tickets lyonnais. Toutefois, l’essoreuse de Twitter a fait son œuvre. Malheur à celui qui ose rappeler que se déplacer n’est jamais gratuit. « C’est une manière de ne pas payer sa contribution à l’utilisation d’un service public. De l’incivisme, en quelque sorte », assure un commentateur. Un autre affirme que la pratique « met en difficulté l’entreprise de transport car cela génère moins de vente de tickets« . Les deux se font copieusement insulter, avant que le débat ne mute sur le thème du chômage et de la pénurie de main d’œuvre.
Écriture inclusiv.e. Une députée européenne allemande remercie, en écriture inclusive approximative, « les Lyonnais.ses » (sic) ce qui déclenche immédiatement un débat à base de « t’es con ». Certaines personnes affirment de manière péremptoire  que la pratique du ticket suspendu n’est pas lyonnaise mais rennaise, ce qui est sans doute vrai, mais pourquoi le dire avec autant d’animosité?
Antiparisianisme haineux. A Rennes, peut-être, mais pas à Paris, et d’ailleurs le tweet déclenche une vague d’antiparisianisme :  « C’est vraiment pas un truc de rat parisien ». « Ce n’est pas à Paris , capitale maudite égoïste que l’on verra cela« .  Ou encore: « Trouve moi ça a paris mdr ?? A part des megos et du caca d’oiseaux t’auras aucune charité dans le bus« . Imagine-t-on les habitants de n’importe quelle autre ville traités ainsi? Cela déclencherait immédiatement des réactions outrées, des articles dans la presse locale, une demande d’excuse de la part du maire, etc. Au passage, en Ile-de-France, le ticket n’est pas valable une heure mais un trajet, ce qui explique ce qui rend le réseau inadapté au « ticket suspendu ».
Une pratique « solidaire », mais hasardeuse. Certains font le parallèle entre le trajet en métro offert à un inconnu et les appels de phares que certains automobilistes lancent pour avertir les autres usagers de la route d’un contrôle de police. La plupart des réactions louent toutefois une pratique « solidaire »: « c’est de la solidarité ça évite les fraudes celui qui n’en a plus besoin le laisse et celui qui est dans le besoin peut circuler en paix ». Cette remarque semble relever du bon sens, même si la « solidarité » bénéficie en l’occurrence aux usagers qui prennent le métro à ce moment-là et non à ceux qui en ont vraiment besoin.
Quoi qu’il en soit, comme le soulignent certains usagers de Twitter, la pratique appartiendra bientôt au passé. En effet, la dématérialisation des tickets est en cours à Lyon, comme d’ailleurs à Paris. Le trajet ne nécessitera plus un ticket en carton mou mais une carte magnétique. Ceci entraîne d’ailleurs une nouvelle controverse: ce serait pour éviter la pratique du « ticket suspendu » que le Sytral aurait dématérialisé le ticket… « Ils veulent nous forcer à payer », peut-on lire. Et d’ailleurs, le Sytral, autorité organisatrice des transports en commun lyonnais (TCL) ordonnerait à ses agents de sanctionner le don de ticket.
80000 abonnements à zéro euro. « Cela a été le cas dans le passé, mais désormais, on tolère cette pratique », répond Jean-Charles Kohlhaas, vice-président (EELV) de la Métropole en charge des déplacements depuis juillet 2020, et vice-président du Sytral. L’élu confirme la fin prochaine du ticket en carton, « d’ici un an ». En revanche, le Sytral a voté dès l’automne 2020 un abonnement « solidaire gratuit » destinés aux bénéficiaires des minima sociaux. Depuis sa mise en place, en janvier 2021, « le nombre de ces abonnements a explosé », assure Jean-Charles Kohlhaas. 80000 personnes en bénéficient aujourd’hui. Le coût « normal » de l’abonnement, et du ticket à l’unité, ont par ailleurs augmenté le 1er janvier, suivant l’inflation, le coût de l’énergie et les nouvelles offres.
https://twitter.com/brunobernard_fr/status/1618535354612715520
Un jeu. Le ticket suspendu est une pratique sympathique, presque un jeu de hasard, une roulette, dont peuvent bénéficier tous ceux que les circonstances amènent là. Une stratégie tarifaire est une politique plus globale, qui vise à réserver les tarifs solidaires à ceux qui en ont vraiment besoin.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter et sur Mastodon, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
 
 
 
 
Vous êtes dehors ou vous êtes dedans. Soit vous faites partie des « automobilistes-périurbains-contraints-de-circuler en-voiture », soit vous êtes un « citadin-privilégié-qui-peut-se-permettre-de-prendre-le-bus et-de-rouler-à-vélo ». Si l’on se fie au traitement médiatique des ZFE (zone à faibles émissions) créées dans une dizaine de grandes villes le 1er janvier, elles dressent un mur étanche entre les habitants des métropoles et les autres.
Voiture « indispensable ». Mais le plus étonnant est que, si vous êtes dedans, vous risquez de graves maladies cardio-respiratoires et il est impératif de vous en protéger. Alors que si vous êtes dehors, vos poumons sont imperméables aux particules fines, puisque la voiture est « indispensable » à tous vos trajets. En poussant le raisonnement, on pourrait même en déduire que les habitants hors ZFE ne craignent pas les accidents de la route, s’accommodent de trottoirs réduits à la portion congrue pour laisser passer des voitures de plus en plus grosses, supportent volontiers le vacarme des accélérations et des klaxons, ne souffrent pas des maladies liées à la sédentarité, et que les commerces de leurs villes sont condamnés à mourir, mangés par les hypermarchés. Puisque la voiture leur est indispensable.
Statut définitif d’automobiliste. Les ZFE semblent instaurer un rapport personnel, intime, à l’automobile. Comme si chaque personne possédant une voiture, accédant au statut définitif d’« automobiliste », y était littéralement attachée, incapable de se déplacer autrement. Et comme si les autres, « les privilégiés », n’avaient jamais l’occasion de circuler en voiture, louée, prêtée ou en autopartage, comme passager ou comme conducteur.
Lire aussi: La France, malade de son addiction à la voiture (octobre 2022)
Jamais le même périmètre. A ces caricatures s’ajoute la complexité du dispositif. Aucune ZFE ne ressemble à une autre. Certaines zones couvrent un vaste périmètre, comme celles du Grand Paris, de Strasbourg (33 communes) ou Montpellier (11 communes), tandis que d’autres zones ne concernent que la ville centrale, comme à Reims, une partie de celle-ci, à Marseille, voire l’hyper centre, à Nice.
Pas les mêmes véhicules interdits. La plupart des métropoles interdisent, dans leur zone, la circulation et le stationnement aux véhicules les plus anciens et polluants, estampillés Critair 5 (soit environ 3% du parc automobile), tandis que d’autres étendent la restriction aux véhicules Critair 4 (8% des véhicules au total) voire, à Grenoble, aux Critair 3 (34%).
Les élus n’ont pas partout la même ambition. A Nice, le maire Christian Estrosi a annoncé qu’il n’y aurait aucun contrôle. A Montpellier, la mesure demeure « pédagogique » ce qui, pour une telle usine à gaz (d’échappements), paraît présomptueux. A Toulon, la ZFE est reportée aux calendes grecques. A Lyon ou à Toulouse, les contrôles ont déjà commencé.
Dérogations à géométrie variable. A Lyon, les véhicules des ménages les plus pauvres qui justifient d’un travail dans la métropole peuvent circuler. A Strasbourg, des dérogations peuvent être obtenues pour une durée de trois ans. A Toulouse, chacun (sous-entendu, chaque « automobiliste ») peut bénéficier d »une dérogation un jour par semaine, à condition de s’inscrire sur un site. A Nice, il faut envoyer un mail. En bref, celui qui doit craindre l’amende n’est pas le plus pauvre, qui n’a pas de voiture, ni le plus riche, qui a moyen de payer, mais le moins informé.
Dispositif national, application locale. Enfin, comme si ce n’était pas assez compliqué, le gouvernement a annoncé le 24 décembre que les métropoles pourraient se passer de ZFE si elles respectent les seuils de pollution établis par l’Organisation mondiale de la Santé, ou si elles mettent en place « des mesures alternatives ». Ainsi, alors que la ZFE est un dispositif national, son application à géométrie variable risque de la faire passer pour une mesure créée par les élus locaux.
Un dispositif vicié. Il faudrait des livres entiers pour raconter la manière dont nous sommes arrivés là, depuis les « zones d’action prioritaires pour l’air » (ZAPA) du Grenelle de l’environnement en passant par les « zones à circulation restreinte » de Ségolène Royal, ministre de l’environnement en 2015. Le dispositif était vicié dès le départ: il ne s’attaque qu’à une seule des nombreuses nuisances de la voiture individuelle, la pollution atmosphérique. On voit bien le dogme qui sous-tend le concept: il suffirait à « l’automobiliste » de changer de motorisation pour que le ciel redevienne bleu.
Lire aussi: Contre la pollution la ZTL, zone à trafic limité, solution des villes italiennes (novembre 2018)
Avec la ZFE, on a oublié la fonction d’une automobile pour se concentrer sur l’objet. On a oublié que trois personnes covoiturant 20 kilomètres dans la même vieille guimbarde Critair 5 génèrent moins de nuisances que trois énormes SUV hybrides conduits chacun par une personne. On a oublié que les voitures toujours plus lourdes et plus volumineuses empoisonnent la vie des piétons dans les centres de Saint-André de Cubzac  (Gironde), Houdan (Yvelines) ou de Quincampoix (Seine-Maritime) tout autant qu’à Bordeaux, Paris ou Rouen.
De nombreux élus l’ont d’ailleurs compris, et on ne citera que l’exemple de Roubaix (Nord), présenté sur le réseau Mastodon par son adjoint à la transition écologique, Alexandre Garcin.
Lire aussi: Merci à ceux qui font autrement (novembre 2018)
« Les ZFE dans l’impasse ». La ZFE est bien mal partie. Des verbalisations donneront lieu sans nul doute à des contestations. Le RN est déjà sur le coup. Tony Renucci, directeur de l’association Respire, qui milite pour la qualité de l’air, est lui-même désabusé, comme il le confie au Parisien: « Entre l’État qui saupoudre des aides insuffisantes pour changer sa voiture et des critères de pollution qui ne prennent pas en compte le poids et la consommation de la voiture, au point que l’on peut circuler en SUV dans une zone à faibles émissions, les ZFE sont dans l’impasse, estime le directeur de l’association Respire. Prenons six mois pour réfléchir à un autre système. »
Comme le résume l’auteur, spécialiste du climat, Eric Vidalenc, « va t on faire des ZFE des sanctuaires pour leurs habitants alors que le chaos automobile (espace, bruit, pollution, gaz à effet de serre…) perdurera à leurs portes ? »
Il est urgent de décorréler la possession de la voiture de son usage, et de répondre globalement aux nuisances du tout-voiture.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter et sur Mastodon, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
 
 
Ainsi va la République française: des spécialistes travaillent pendant des décennies sur un sujet sérieux comme les RER dans les grandes villes, tentent de susciter l’intérêt des élus, se heurtent à l’indifférence médiatique. Et soudain, sur Youtube, le président de la République s’en mêle. Dieu a parlé. Alors, ça devient important. Et tout le monde a immédiatement un avis. Au fond, à défaut d’autre chose, c’est sans doute à cela que sert un président de la République française. Et c’est déjà pas mal. Voilà qui rappelle la fameuse phrase d’Élisabeth Borne sur le vélo, qui avait en décembre 2017 légitimé les travaux jusque-là méprisés des associations. La parole politique a plus de force que la loi. Bref, pour essayer d’y voir plus clair, voici 10 choses à savoir sur les RER métropolitains.
Lire aussi, dans Le Monde (print, 5 décembre 2022): RER dans les grandes métropoles, les difficultés d’un déploiement qui a déjà commencé
1/ Des modèles européens. En Allemagne, il existe 15 réseaux de S-Bahn. Celui de Berlin date de l’électrification du chemin de fer, dans les années 1920. L’Autriche compte 6 réseaux, la Suisse 12, tandis que l’Espagne déploie ses Cercanias (appelé Rodavias à Barcelone) autour des villes. Partout, le concept est similaire: un réseau suburbain et étendu, sur lequel les trains circulent vite et souvent. Le RER n’est ni un TER, ni un métro, mais quelque chose entre les deux. Le ticket ou l’abonnement permettent de poursuivre le trajet sur le réseau urbain.
2/ Un portage militant. Comme beaucoup de (bonnes) idées en matière de mobilité, les RER métropolitains sont portés, de longue date, par des militants qui dénoncent l’emprise du tout-voiture, militent pour sauver le climat, contre les contournements routiers, les aéroports ou le tout-TGV. Un article publié en février 2018 sur ce blog rappelle la genèse des RER. Progressivement, ces militants ont convaincu des élus. Ou mieux: certains militants sont eux-mêmes devenus élus.
3/ Son principal atout: la fiabilité. Un RER métropolitain n’obéit pas à un schéma unique. Pour le dire autrement, ils ne ressemblent pas nécessairement à leur homologue francilien. Les lignes ne sont pas toutes traversantes, le réseau n’a pas nécessairement une forme d’étoile et parfois, il n’est même pas ferroviaire, mais s’appuie sur des cars roulant sur des voies réservées, comme le projet montpelliérain. En revanche, la régularité et la cadence, y compris en heures creuses, tôt le matin, tard le soir et le week-end, font partie des prérequis. L’idée est que l’on puisse emprunter le réseau sans se poser de question, que l’on puisse compter dessus. Et ne pas prendre la voiture « au cas où ».
4/ Des morceaux de RER existent déjà. La ligne Arcachon-Libourne, avec arrêt à Bordeaux mais sans changement de train à la gare Saint-Jean, ressemble déjà à une ébauche de RER. Autour de Genève, le Léman Express, inauguré il y a exactement trois ans, connaît une fréquentation supérieure aux prévisions, y compris dans sa partie française, et malgré le covid. Dans une tribune publiée par Le Monde, le vénérable Guy Burgel, né en 1939, a déduit d’un voyage entre Aix et Marseille, l’une des pires de France, qu’il serait préférable de « d’abord rénover les voies existantes ». Ce qu’il ne sait apparemment pas, c’est que les RER s’appuient principalement sur les lignes existantes et contribuent donc à les rénover.
5/ Investissements à degrés variables. Tous les réseaux n’impliquent pas les mêmes investissements. Il s’agit parfois de créer ou de rouvrir une gare, comme celle de la Médoquine à Bordeaux, d’allonger des quais, de construire des voies nouvelles, comme au nord de Strasbourg, de creuser des tunnels comme à Zurich ou à Genève. A Strasbourg, la ligne qui dessert le nord-est de l’Alsace, en passant par Schiltigheim, n’est pas concernée par le Reme, ce que déplorent les habitants et usagers. Il faudrait d’abord l’électrifier et les travaux sont estimés à 100 millions d’euros.
6/ Le prétexte des ZFE. Les zones à faibles émissions, périmètres urbains interdits aux véhicules les plus polluants, font l’objet d’un vif débat, opposant les populistes, partisans de la liberté absolue de circuler en voiture, et les élus urbains qui cherchent à convaincre qu’ils agissent contre la pollution de l’air. Un débat surjoué mais aussi inutile : il n’y aura de toute façon aucun contrôle. Mais au moins les ZFE vont enfin servir à quelque chose, puisque c’est « pour permettre aux gens qui vivent loin » que l’on imagine des RER.
7/ Étalement urbain, la controverse. Opposé au RER toulousain, Jean-Luc Moudenc, maire (LR) de Toulouse, prétend que le développement du réseau ferré entraînerait un étalement urbain. Il est vrai que le développement de lignes de train rapides et régulières a tendance à faciliter l’éloignement. Exemple: 45 minutes de voiture dont 15 dans les bouchons deviennent 20 minutes de voiture sur une route dégagée car en pleine campagne + 25 minutes de train. Un temps équivalent, mais une distance plus grande. Soit. Mais avec un RER, les habitants de la grande couronne, qui recourent aujourd’hui massivement à la voiture, pourraient enfin utiliser le train. Au fond, les RER métropolitains présentent la même particularité que la politique cyclable: ils ne seront efficaces que si on limite en même temps l’étalement urbain.
8/ RER + vélo. Président de la Fédération des usagers de la bicyclette, Olivier Schneider a saisi l’occasion de la conférence de présentation du Reme strasbourgeois à la presse nationale, le 7 décembre, pour rappeler à tous les représentants des pouvoirs publics, État, région, métropole, ville, ainsi qu’à la SNCF, l’importance de faciliter les reports à vélo vers le train. La FUB réclame notamment 200000 places de stationnement pour les vélos dans les gares et des pistes cyclables pour y accéder.
9/ Le choix du nom. On sent que le mot « RER » ne plaît pas à tout le monde. Certains élus des métropoles le trouvent « trop parisien » (il n’y a rien de plus efficace que de qualifier quelque chose de « parisien » pour le rejeter). Le ministre Clément Beaune achoppe sur le terme « métropolitain », alors que les trains visent d’abord à desservir les alentours des métropoles. Le chercheur en urbanisme Tristan Buteau plaide pour un même nom dans toutes les villes, car cela permettrait au public d’identifier les réseaux. « Il existe déjà des trains Vienne-Lyon réguliers, au moins un par heure, ils restent identifiés comme des TER, pas comme un service cadencé », dit-il. En Allemagne, les S-Bahn ont tous le même logo, un S blanc sur fond vert.
Hélas, en France, les élus adorent affubler les transports de petites touches locales, voire personnelles. Ils donnent aux vélos en libre-service des noms bien à eux, soignent le design des bus et des trams, créent des bus « à haut niveau de service », baptisés « bibus », « trambus » ou « Fébus » alors que dans le monde entier on les appelle BRT.
10/ La fable de l’argent magique. Lors de la présentation du Reme strasbourgeois, Clément Beaune, était prié par Vincent Grimault, d’Alternatives économiques (et auteur de cet article), de détailler les investissements que l’Etat serait prêt à consacrer aux RER. Le ministre a sorti la phrase macroniste magique : « il n’y a pas d’argent magique ». Ah bon! Pourtant, le gouvernement a littéralement brûlé, en 2022, 7,5 milliards d’euros d’argent public en prime carburant. Et Élisabeth Borne avait annoncé, le matin même, une nouvelle prime de 100€ pour les travailleurs modestes, en échange d’une « déclaration sur l’honneur ». Un nouveau milliard parti en fumée. Il est là, l’argent magique.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter et sur Mastodon, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
 
 
La maison est grande, les chambres « agréables à vivre », les combles seront aménagés l’été prochain (c’est promis), les larges baies vitrées du salon donnent sur un jardin plongé dans le noir et il fait 16,5 degrés la journée, 9 la nuit. Porter des grosses chaussettes au fond du lit ne suffit plus; il va falloir mettre un bonnet.
Alors que chacun s’est mis à calculer la probabilité de coupures de courant au cours de l’hiver qui commence, sans oublier la facture d’électricité ou celle du fioul, on grelotte dans les vastes demeures. Seule une pièce « à vivre » est vraiment chauffée, on navigue sans cesse entre tiédeur et froidure et qui oublie de fermer une porte se fait promptement enguirlander.
Le citadin, lui, savoure sa revanche. 40 m², ce n’est pas beaucoup, mais au moins, ça se chauffe vite. Et sans se ruiner. La présence immédiate des voisins, de l’autre côté du mur, permet de laisser le thermostat à 19. En plus, avec un peu de chance, le circuit électrique qui alimente l’immeuble dessert un hôpital ou une caserne de pompiers. Le risque de délestage hivernal est réduit à néant.
Oubliée, la « pièce en plus ». Quelle histoire! Il y a un an et demi, à la sortie des confinements à répétition, il n’était question que de « pièces en plus », de « contacts avec la nature », d’« héliotropisme », de « ville étouffante ». Et voilà que le vent (glacial) tourne. Le citadin peut dormir tranquille, mais quand même avec ses chaussettes.
La taille du logement, et son occupation, constituent l’un des décalages les plus flagrants entre l’habitat en l’Ile-de-France et celui des autres régions et, partant, entre les citadins et les autres. L’Insee a élaboré une définition précise du logement « normalement » peuplé. Il contient une pièce de séjour, à laquelle s’ajoute une pièce pour chaque personne de référence. Pour les détails, on peut se référer à la définition précise sur le site de l’Insee.
Surpeuplement en Ile-de-France, sous-peuplement ailleurs. Or, selon un document consacré au logement en Ile-de-France publié, à partir des chiffres de 2013, par l’Institut Paris Région en 2017, le surpeuplement (une pièce pour deux personnes, trois pièces ou moins pour quatre personnes, par exemple) est beaucoup plus répandu en Ile-de-France que dans les autres régions. Le surpeuplement concerne ainsi 20% des logements franciliens et 27% à Paris, mais seulement 9,5% des logements dans l’ensemble de la France.
« Sous-peuplement accentué ». A l’inverse, 44 % des habitations françaises sont en situation de « sous-peuplement accentué », soit cinq pièces pour deux personnes. Autant de pièces vides à chauffer (ou pas). En Ile-de-France, cette situation ne concerne que 27% des logements, 15% à Paris. Bien sûr, il ne s’agit que de moyennes. L’habitat du centre des grandes villes affiche sans doute un taux de surpeuplement proche de celui de Paris, tandis que la grande couronne francilienne abrite davantage de foyers vivant dans des logements « sous-peuplés ». En outre, une partie des logements « surpeuplés » souffre aussi d’une mauvaise isolation.
Appartement cosy vs. grands espaces. Le rude hiver, le coût du chauffage, les coupures annoncées inciteront-ils les habitants des maisons « sous-peuplées » à délaisser leur logement au profit d’un appartement plus confortable? Qui sait. Ces ménages finiront par croiser (chez le notaire) ceux qui, depuis le début de la pandémie, rêvent de grands espaces.
« Parisiens » vs « provinciaux », match retour. L’épisode alimentera sans nul doute un énième épisode de la rivalité surjouée entre « Parisiens » privilégiés et « provinciaux » délestés. D’autant que, dans les grandes villes, la chance de vivre dans le même secteur électrique qu’un lieu prioritaire est bien plus élevé que dans les régions à l’habitat dispersé. Aux uns la densité, la chaleur des soirées d’hiver, et tant pis pour les nuisances sonores. Aux autres le silence frigorifié, les engelures et les coupures d’électricité. Déjà, au gouvernement, la mise en scène d’une nouvelle fracture territoriale inquiète: « La spécificité de Paris soulève des interrogations ».
Cet épisode serait l’occasion idéale de réfléchir à la juste densité, et de ne pas laisser à la bonne vieille « main invisible » le soin de distribuer les espaces en fonction du revenu, de la richesse personnelle ou de la capacité d’emprunt. Cela s’appelle l’aménagement du territoire, ou la densité raisonnée.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter et sur Mastodon, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
 
« Vous n’étiez pas au bon endroit ». « La R&D, ça prend plusieurs années, soyez patient ». « Vous devriez essayer au Japon, ça marche très bien ». « En 1900, vous auriez dit que l’avion est un flop ». « Tout le monde ne peut pas faire de vélo ». Décidément, les amateurs de navettes autonomes ont bien du mal à admettre l’échec. Dans Le Monde, le 21 novembre, j’ai raconté quelques expériences récentes, et ratées, de ces minibus tout petits mais extrêmement coûteux (250000 euros pièce minimum) que les opérateurs, financeurs et élus tiennent à installer un peu partout.
Tout comme mon confrère du Parisien Sébastian Compagnon, je constate que les promesses ne sont pas souvent au rendez-vous. Voire jamais. Je me souviens d’une tentative, en 2018, à Sion, en Suisse, racontée ici. Le véhicule n’était tout bonnement pas là, alors même que l’expérimentation sédunoise était présentée dans tous les colloques de spécialistes comme un pas vers la mobilité du futur. Depuis, les deux navettes de Sion, affrétées par Car postal, ont pris leur retraite au musée des transports de Lucerne. Cette courte carrière a inspiré à l’humoriste valaisan Frédéric Recrosio ce sketch hilarant.
La pluie bouchait les capteurs. Et puis il y eut cette navette circulant sur le campus de Rennes: vers midi, un jour de novembre 2019, j’étais le premier passager de la journée, et l’opératrice me confiait qu’en raison de la pluie, les capteurs se bouchaient en moyenne une fois par semaine, bloquant ainsi le véhicule. Les commentaires recueillis sur Twitter et sur Mastodon confirment que ma triste expérience en matière de navettes autonomes n’est pas isolée. Et ça fait des années que ça dure!
Pour être précis, il arrive bien sûr qu’une navette roule quelques centaines de mètres, voire davantage. Mais jamais ce véhicule ne remplit la fonction pour laquelle elle devrait être conçue: transporter des passagers efficacement d’un point à un autre.
Tantôt l’engin freine de manière intempestive, tantôt il est tellement lent que personne ne monte dedans. Ou alors le véhicule dérange les autres usagers. Seb never lies le dit sur Twitter: « J’en ai croisé une alors que je circulais à vélo, avec ma fille, à Vincennes. Je me suis rangé sur le côté pour la laisser passer. Mais la navette s’est arrêtée et l’opérateur est sorti pour nous demander d’aller sur le trottoir car il fallait davantage d’espace pour l’engin. »
Information défaillante. Le plus étonnant, c’est le peu d’empressement qu’ont les opérateurs à rendre le trajet utile, ne serait-ce qu’en renseignant correctement les voyageurs. En octobre, à Chevreuse (Yvelines), j’avais consulté les horaires de fonctionnement, « de 7h à 19h » selon le site de la RATP, mais le panneau provisoire, sur place, indiquait « 8h-11h30 et 14h-18h ». Et de toute façon, elle n’était pas la. A Vincennes, le site de la RATP assure que la navette roule seulement les samedis et dimanches « entre 13 et 17h30 », mais sur le panneau, on peut lire « entre 13 et 19h ». Toujours à Vincennes, la RATP promet « une boucle de 6 km » alors que le parcours réel ne dépasse pas les 2,2 km, et même aller-retour, ça ne fait que 4,4 km.
Engin célébré puis remisé. A chaque fois qu’une navette autonome est annoncée quelque part, le même scénario se répète: l’engin est encensé par les institutionnels et les médias locaux. Et quelques mois ou années plus tard, patatras, on apprend que, finalement, non, le service ne remplit pas ses promesses. Voyez à Rouen, où au printemps 2018, la Caisse des dépôts célèbre « un service de mobilité autonome à la demande », à coût de « smart city » et d’« innovation dans les territoires ». Quatre ans plus tard, le service est abandonné, après avoir coûté plusieurs millions d’euros à la métropole de Rouen. Et les financeurs se sont « recentrés sur des projets plus matures ».
Voici un autre exemple, normand également. En octobre 2021, France Bleu annonce des navettes entre Vernon et Giverny (Eure). « Je suis sûr que ça va intéresser à la fois l’habitant, le touriste et le salarié » plaidait alors le maire de Vernon, François Ouzilleau (successeur de Sébastien Lecornu, actuel ministre des armées). Et quelques mois plus tard, pile au moment où le service devait commencer, en avril 2022, « le projet est abandonné ». La collectivité découvre soudainement que « l’étroitesse de la route départementale et les dépassements dangereux des nombreux véhicules qui l’empruntent ne permettent pas l’accueil en sécurité des passagers. »
Elle est peut-être là, la solution: limiter la vitesse sur les routes les moins larges, et interdire les dépassements dangereux. Voilà qui répondrait à l’argument ultime des promoteurs des navettes autonomes, répété à l’envi, comme s’il suffisait à justifier toutes les folies: « tout le monde ne peut pas faire de vélo ».
Pas avant 2075. Le Cerema indique dans un ouvrage récent que les navettes autonomes, selon l’université de Berkeley, ne seront pas au point  « avant 2075 ». Vous aurez quel âge à ce moment-là? Moi, je fêterai mes 108 ans.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter et sur Mastodon, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
 
 
 
Le vélo est-il l’attribut par excellence de la gentrification? Aux États-Unis, il n’est pas rare que des riverains d’un quartier populaire s’opposent à la création de pistes cyclables ou à l’installation de systèmes de vélos en libre-service. C’était le cas par exemple, à l’été 2022, dans un quartier populaire de Boston appelé Mattapan, peuplé à 75% de Noirs. L’aménagement de pistes cyclables par la municipalité était résumé ainsi par des riverains: « ils essaient de nous mettre dehors ».
Quartier hispanique. En 2017, autour de la 24ème rue, un quartier animé et hispanique de San Francisco, une association locale s’opposait frontalement à l’installation de bornes par l’opérateur Ford Gobikes (remplacé depuis par BayWheels, un système qui n’a plus recours seulement à des bornes). Ces riverains estimaient que l’usage du vélo ne correspondait pas à la culture locale. «Le vélo en libre-service, on n’en veut pas. Nous avons une autre manière de nous déplacer, de faire nos achats», assuraient-ils.
Soupçons de gentrification. Les responsables de Ford Gobike espéraient pourtant séduire la clientèle populaire en proposant des tarifs avantageux, ainsi que la possibilité de payer sans carte de crédit, alors que les plus pauvres, aux États-Unis, n’ont pas toujours accès aux services financiers de base. Mais les habitants craignaient aussi l’embourgeoisement du quartier.
Dans les villes américaines, les infrastructures cyclables sont souvent associées à la gentrification, l’enrichissement de certains quartiers autrefois populaires et plutôt centraux. Des nouveaux venus, souvent Blancs, rachètent des maisons anciennes, rénovent des appartements à grands frais, tandis que les ménages installés de longue date, plus pauvres, souvent Noirs ou Hispaniques, ne peuvent plus payer les loyers devenus trop élevés pour eux. Ils finissent par déménager. On a baptisé ce phénomène « displacement », ou déplacement de population.
new stage of nimbyism: expanding public transit and increasing bike lane infrastructure is gentrification. https://t.co/HrV6R5aMRW
— nivardo (@falconseaknight) November 5, 2022

Le parking de l’église. En 2011, déjà,  la municipalité de Portland, grande ville de l’Oregon, qui voulait tracer un axe cyclable le long d’une avenue qui traverse un quartier afro-américain, s’était heurtée à l’opposition des résidents. En 2013, les fidèles d’une église de Washington s’élevaient contre un projet de piste cyclable qui aurait supprimé quelques places du parking dominical attenant à leur édifice religieux.
Vélo et épicerie bio. Les pistes cyclables, « comme les restaurants chers, les parcs réservés aux chiens et les salles de sport, sont considérés depuis longtemps comme des symboles de la gentrification », résumait alors le Washington Post. D’ailleurs, dans les magazines et sur les écrans, la gentrification est souvent illustrée par des images de personnes stationnant leur vélo devant une épicerie bio.
https://twitter.com/dionysus8/status/1561450940556709889
Lire aussi: Le bobo, cet être égoïste et stupide qui ne se déplace pas comme moi
Dans toutes les villes concernées, les opposants aux infrastructures cyclables déplorent la disparition de places de stationnement, expliquent qu’une partie des travailleurs pauvres sont soumis à des horaires décalés qui les forcent à se déplacer en voiture et insistent sur le « statut social » associé à l’accession au véhicule motorisé chez les classes populaires.
Les « pistes blanches ». Et comme on est aux États-Unis, le débat se focalise sur les enjeux ethniques. Comme le montrent les statistiques du réseau de vélos en libre-service Capital Bike, à Washington, les utilisateurs sont plus jeunes que la population générale, et une large majorité d’entre eux sont blancs. Les pistes cyclables sont parfois qualifiées de « pistes blanches ».
Partout, les débats ont pris une nouvelle tournure avec l’essor du vélo à assistance électrique, efficace mais plus coûteux, et qui suppose donc un revenu plus élevé. « Que ce soit vrai ou faux, la gentrification est souvent considérée comme un processus qui arrive sur deux roues », résumait déjà le quotidien britannique The Guardian en 2016.
New Study: Bike Lanes Aren’t Associated With BIPOC Displacementhttps://t.co/qz88xOLm8N pic.twitter.com/TeHDpc2P1i
— PeopleForBikes (@peopleforbikes) July 2, 2021

Une étude dément les idées reçues. Pour documenter ce qui demeure une impression, deux chercheurs des universités du Nouveau-Mexique et du Colorado, Nicholas Ferenchaka et Wesley Marshall, ont analysé l’évolution démographique et socio-économique de quartiers résidentiels situés dans 29 villes des États-Unis. Dans ces villes, qui ont toutes aménagé des infrastructures cyclables entre 2000 et 2019, les chercheurs ont repéré, à l’aide de Google Earth, les pistes cyclables, mais aussi les bandes cyclables et les simples chevrons, ces marques peintes sur la chaussée qui signalent un itinéraire.
Les quartiers les plus riches rejettent le vélo. L’étude, publiée à l’été 2021, montre d’abord que les pistes séparées de la chaussée sont moins nombreuses dans les quartiers les plus aisés que dans les autres secteurs des villes. Comme si les riches (les vraiment riches, donc, pas juste les gentrifieurs) refusaient les pistes cyclables. En France, on connaît bien cette aversion: les élus des riches villes de l’ouest lyonnais s’opposent au réseau « Voies lyonnaises », tandis que les communes cossues des Yvelines  avaient, les premières, démantelé des pistes temporaires dès le printemps 2020.
I'm getting real sick and tired of people calling bus and bike lanes "gentrification" when in reality they just wanna park and go 50 mph without giving up a lane to public transit and non-polluters.
— Darrell Owens (@IDoTheThinking) July 30, 2020

Les pistes ne causent pas la gentrification, mais la suivent. En outre, contrairement aux idées reçues, les infrastructures cyclables ne se sont pas traduites dans les années suivantes par un départ des populations pauvres et noires. Mais les chercheurs ont observé que les quartiers en cours de gentrification finissent par se doter, quelques années après le début du processus, d’aménagements cyclables. Pour résumer cette histoire de poule et d’œuf, les pistes cyclables ne sont pas la cause de la gentrification, mais leur conséquence. Lorsque des classes moyennes blanches s’installent dans un quartier traditionnellement populaire, ils réclament à leurs élus locaux des infrastructures pour se déplacer à vélo, et les obtiennent.
Inaudibles habitants des quartiers pauvres. L’enquête universitaire montre enfin que les quartiers populaires sont moins dotés que les autres en infrastructures cyclables. Ces morceaux de ville, marqués par leur passé industriel, sont striés par des rocades, des zones industrielles, portuaires ou des entrepôts, qui rendent les déplacements à pied et à vélo compliqués. Et leurs habitants ne parviennent pas à faire entendre leurs préoccupations, quelles qu’elles soient. Autrement dit, si ces habitants, pauvres et Noirs, voulaient des pistes cyclables, ils ne parviendraient pas aussi facilement à les obtenir que s’ils étaient Blancs et plus riches.
Des quartiers statistiquement invisibles. Enfin, dans les quartiers populaires, les compteurs disposés sous la chaussée, qui permettent de déterminer le nombre de passages à vélo, font également défaut. Dès lors, si l’on se fie aux statistiques disponibles, le vélo demeure peu utilisé dans les banlieues pauvres. En d’autres termes, ce qui n’est pas mesuré n’existe pas.
Les statistiques révèlent toutefois une autre réalité: les données qui, aux États-Unis, prennent en compte l’origine ethnique des accidentés de la route, montrent que le risque de subir un accident à vélo est, pour une personne noire ou hispanique, 25 à 30% plus élevé que pour un Blanc. Les inégalités persistent, et si les pistes cyclables en sont le révélateur, elles n’en sont pas la cause.
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NB: Une version plus longue de cet article a été publiée dans le magazine Géomètre en février 2022.
 
 
« Oh non! Mon beau vélo! » Refus, incompréhension, colère, culpabilisation, résignation, acceptation, détermination à en racheter un: le vol de vélo suscite toute une panoplie de sentiments successifs et contradictoires. En France, on déplore environ 320000 vols de vélos par an, un chiffre stable depuis 2014, estimé à partir d’enquêtes sur le cadre de vie commandées par le ministère de l’Intérieur.
Mais à l’exception de ce chiffre unique – 320000 – on ne savait jusqu’à présent pas grand chose des vols de vélos. C’est pour remédier à ce manque, et évidemment pour prévenir le risque, que l’Académie des mobilités actives (ADMA), qui réunit une dizaine d’experts, a lancé une enquête, avec le soutien de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB).
Voici, en exclusivité, les premiers chiffres de cette enquête, à partir de 3000 réponses enregistrées jusqu’ici. Si l’Adma diffuse ces chiffres, c’est bien sûr pour sensibiliser le public au risque de vol, mais aussi pour faire connaître le questionnaire. On peut y répondre jusqu’au 1er novembre. Clément Dusong et Jean-Baptiste Gernet, qui coordonnent l’enquête à l’Adma, espèrent doubler le nombre de réponses. Où? Quand? Pourquoi? Voici les résultats.

A quelle heure a eu lieu le vol? Le jour (43%), la nuit (26%), le soir (20%).
Combien de temps a-t-il fallu au(x) voleur(s) pour opérer? 32% des vélos volés étaient stationnés depuis moins de deux heures, 32% entre deux et quatre heures, 18% une journée entière, 18% plus de trois jours.
Lire aussi : Une minute ppur voler un vélo, et personne ne bouge (décembre 2012)
Où se trouvait le vélo? Dans l’espace public: 60%. Dans un espace fermé (une cours, un parking, un box): 30%.
Était-ce un vélo à assistance électrique? Oui, 21%.
Était-il accroché à un point fixe (arceau, poteau, autre vélo)? Oui 85%. C’est donc, en tous cas pour les répondants à l’enquête, la robustesse de l’antivol qui fait la différence.
De quel type d’antivol s’agissait-il? Un câble 42%, un antivol en forme de U 27%, une chaîne 19%, un antivol pliant (« mètre de menuisier ») 7%, un « bloque-roue » 5%. Pour savoir quels sont les antivols les plus efficaces, la FUB effectue régulièrement des tests fiables.
La victime a-t-elle porté plainte? Oui 65%. Non 35%. 6% de ceux qui ont porté plainte ont retrouvé leur vélo, contre 4% des autres.
Quelle a été la réaction de la victime, une fois le choc passé? 64% ont racheté un vélo. Parmi eux, 55% ont choisi un vélo neuf, et 45% une bicyclette d’occasion. Le nouveau vélo vaut autant (42%), moins (32%), davantage (24%) que celui qui a été dérobé.
Se déplace-t-on toujours à vélo après avoir subi un vol? Oui, autant qu’avant: 68%. Moins qu’avant: 23%. Non, plus du tout: 10%.
L’enquête sur les vols de vélo, enrichie des nouvelles réponses, sera publiée par l’Adma sous la forme d’un ouvrage d’une cinquantaine de pages, disponible en ligne début 2023.
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Le système routier est en panne. En crise. En hystérie, même. Voyez ces clients des station-services débordant d’agressivité, cette Francilienne qui reçoit une gifle d’un chauffeur routier, cet automobiliste haut-savoyard poignardé par un autre client, devenu rival, qui lui reprochait de l’avoir doublé, ces petits trafiquants qui revendent des jerricans aux stations, voire qui obligent les automobilistes à se fournir chez eux, sous peine de caillassage. Et ceux qui ont veillé une partie de la nuit, devant une station-service, espérant recevoir leur ration de liquide magique.
Et ce n’est que la partie la plus visible de l’affaire. Partout, en France, des gens s’échangent des plans, s’organisent pour aller au travail quand même, covoiturent, ressortent les vélos, louent des trottinettes. Certains découvrent soudainement « l’écoconduite », ou plutôt réalisent qu’accélérer de manière intempestive 300 mètres avant un feu rouge, c’est consommer inutilement, en plus d’être dangereux et bruyant.
En manque. Le système routier est en détresse, en pénurie (voir ici pourquoi). En manque. Et cela n’arrive pas si souvent. En temps normal, la voiture à essence est le moyen de déplacement le plus évident, le plus commun, le plus accepté, le plus légitime. On peut se rendre d’un endroit à un autre, que l’on soit en pleine ville, au fin fond de la campagne ou n’importe où entre les deux, par la route, l’autoroute, le chemin, la rue résidentielle, le boulevard urbain, sans sortir de sa voiture. C’est la voix qui le dicte. « Prenez à droite, puis à gauche après le MalBouffe ». L’humain s’efface poliment devant la tonne et demie de métal, plastique, verre, caoutchouc. « Vous êtes garé où? » Le moindre accroc au système routier est immédiatement dénoncé. « Ils ont fermé une rue ». Et celui qui n’est pas motorisé fait figure d’anomalie. « On vient vous chercher? »
Lire aussi: Les 10 choses que j’ai apprises en étant automobiliste (septembre 2021)
En pleine crise climatique et de sédentarité, des ministres affirment « j’aime la voiture », car le contraire, ce serait « l’Union soviétique ». Des candidats aux élections, de tous bords, prennent la défense des « vaches à lait » de la République que seraient, depuis De Gaulle au moins, les automobilistes. Lorsque les conjoncturistes de l’Insee présentent leurs prévisions trimestrielles, ils ont toujours une petite pensée pour les constructeurs automobiles, dont les ventes font ou défont la sacrosainte croissance.
Le système routier est omniprésent, omnipotent, omniscient, dominateur. Il avale tout. Il sait se rendre utile, affable, impératif. Les médias sérieux produisent toutes les trois semaines des grands dossiers pour expliquer que « la voiture est indispensable aux Français ».
Lire aussi: Non, la voiture n’est pas « indispensable aux Français » (mars 2019)
Dépendance aux monarchies sanguinaires. Les habitants des pays les plus riches, et ceux qui sont en passe de le devenir, ont massivement misé sur la voiture individuelle. En France, en particulier, on a fait de l’automobile, depuis des décennies, le principal, voire l’unique moyen de déplacement. On a construit les villes, les campagnes, les habitations, les lieux de travail et de consommation, les modes de vie, les histoire d’amour, autour de la voiture. On s’est placé en situation de dépendance à l’égard d’une matière première importée, vendue principalement par des monarchies sanguinaires, polluante, destructrice de la biodiversité, non renouvelable.
Et pourtant, on sait. On le sait, pourtant, qu’il faut se défaire de cette addiction. Les spécialistes, les scientifiques, les dirigeants économiques, politiques et même médiatiques le savent: l’essence pollue, ne pas bouger tue, le climat se réchauffe, les villes se dévitalisent parce qu’il est tellement pratique d’« aller » à l’hypermarché. Non seulement on sait pourquoi il faut mettre fin à cette dépendance, mais on sait comment. Les transports publics, le vélo, la marche, le covoiturage, la réduction des distances parcourues, oui, tout ceci est très documenté, et depuis longtemps.
Lire aussi: Merci à ceux qui font autrement (novembre 2018)
On sait tout cela, mais pour l’instant, les dirigeants, les gouvernants font comme s’ils ne savaient pas. « Vous voulez de l’essence? Encore? Encore et encore? On va s’arranger pour que vous n’en manquiez pas ». Si la voiture était moins « indispensable », la pénurie d’essence serait plus supportable. Le système routier est pris au piège de sa toute puissance.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
Des potelets métalliques, des food-trucks, un plan des rues en relief et en braille, beaucoup trop de barrières amovibles, des containers maritimes transformés en logements provisoires, des militants alpaguant les clients du marché, mais pas un rat. En deux heures et demie, on en voit des choses en ville.
Le Monde m’a proposé de mener, dans le cadre de son festival, un « parcours urbain », le dimanche 18 septembre. Une balade pour « apprendre à observer la ville », repérer les usages et les lois non écrites, apprécier ou supporter les odeurs ou les bruits (définis comme des sons non sollicités), ressentir des émotions.
Des données cartographiques. Un tel exercice s’appuie de nos jours sur de multiples données fiables et consultables facilement : Wikipédia (pour l’histoire des bâtiments ou la toponymie des rues, par exemple), les sites des institutions publiques ou des entreprises privées, les cartes représentant les revenus, le niveau de l’immobilier, les prix des biens à l’achat, les résultats des bureaux de vote, l’âge du bâti, le bruit ou la pollution atmosphérique.
Un parcours contraint. Le parcours du 18 septembre était soumis à un impératif, festival oblige : partir du siège du groupe Le Monde, dans le 13ème arrondissement de Paris à 10h30, et y revenir pour 13h. Or, les alentours du bâtiment de sept étages conçu pour 1650 salariés, création de l’agence norvégienne Snohetta, ne constituent pas un quartier du « vieux Paris » avec ses rues étroites, ses avenues haussmanniennes et ses immeubles en pierres de taille. Ce n’est pas « Paris comme on se l’imagine » a souligné un participant à la balade, mais dans un univers minéral et contemporain. Qui plus est marqué par des « coupures surfaciques », des périmètres assez vastes, impossibles à traverser et qu’il faut donc contourner : un hôpital, deux gares, la Seine.
La plus grande opération depuis Haussmann. Ce morceau de ville était autrefois dédié à l’industrie, aux transports ferrés, à la logistique à grande échelle. Puis, dans la deuxième partie du 20ème siècle, tout ceci devint une vaste friche, que les pouvoirs publics voulurent réaménager. C’est Paris Rive Gauche, une zone d’action concertée (ZAC) de 130 hectares destinée, au début des années 1990, à devenir un quartier d’affaires, une sorte de « mini-Défense ». En 2001, la gauche de Bertrand Delanoë voulut y ajouter des logements. L’opération, la plus grande depuis Haussmann, devait s’achever en 2008; on parle aujourd’hui de 2028, explique Emmeline Cazi dans Le Monde. Le coût pour la ville de Paris atteint 1,4 milliard d’euros.
Un aménagement des années 90. Cet héritage des années 1990, à une époque où l’idéologie ambiante impliquait de «fluidifier la ville», se traduit par des voies surdimensionnées, comme l’avenue Pierre Mendès-France, sur laquelle est construit le siège du groupe Le Monde. Terminée en 2002, cette avenue dotée d’un terre-plein central est une deux fois deux voies de 40 mètres de large qui ne dessert, à ce stade, que le quartier. Les accélérations intempestives, et bruyantes, n’y sont pas rares. Entre le moment où l’on conçoit la ville et le moment où elle est «livrée», pour reprendre le jargon des aménageurs, les décennies passent, et les priorités peuvent avoir changé.
Les observations du promeneur. Mais une ville, ce ne sont pas seulement des voies et des bâtiments. Le citadin du dimanche matin croise beaucoup de monde. Observons. Lorsque deux personnes habillées exactement de la même manière se déplacent ensemble, s’agit-il d’un uniforme professionnel, ou est-il imposé par un mouvement religieux ? Et celui qui court mais qui n’est pas habillé en jogger ? Que fuit-il ? Le vêtement, même dans une ville aussi libre que Paris, est codifié : il y a une tenue pour marcher et une autre pour courir.
A quoi servent en ville, les arbres, les jardinières, les plantes ? A décorer, principalement. Et pourquoi voit-on des représentations humaines, photos en couleur de corps ou de visages généralement souriants ? Presque toujours pour des motifs publicitaires, sauf lorsqu’il s’agit de statues.
« Ceux qui ne sont rien ». Nous avons longé la Station F, un « campus de start-ups » créé en 2017 dans la halle Freyssinet, un bâtiment autrefois destiné au transbordement des trains aux camions, aujourd’hui divisé en trois zones, baptisées « create », « share » et « chill ». C’est en inaugurant en juin 2017 ce lieu emblématique de la « start-up nation » qu’Emmanuel Macron a prononcé cette fameuse phrase : «une gare, c’est un lieu où l’on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien».
L’attente des passagers du bus. Au fil des rues, nous apercevons sur les façades des immeubles d’habitation des panonceaux 12p5 ou Onepark qui proposent des parkings à louer. La mise en relation entre un propriétaire de parking et un usager est désormais l’apanage de sociétés privées. A l’arrêt du bus 27, place Jeanne d’Arc, une petite foule patiente. Les bus ne passent pas souvent, car la RATP peine à recruter des chauffeurs.
Sur le parvis de la Bibliothèque nationale de France, non loin des cours de taï-chi, de boxe ou de samba qui, depuis les confinements, se tiennent en plein air, des passants se promènent un appareil photo en bandoulière, qui témoigne du potentiel photogénique du lieu.
La palissade anti-suicide. Le splendide jardin intérieur de la bibliothèque, enfoncé quelques étages plus bas, est curieusement entouré de palissades métalliques de chantier. Elles visent à prévenir les suicides ; on en a compté trois en 2019. Dans une minuscule guérite, un gardien veille, au cas où il viendrait à l’idée de l’un d’entre nous de se jeter par-dessus la bordure. Ces palissades provisoires gâchent le paysage. Pourquoi les architectes ne pensent-ils pas à l’usage, y compris au mésusage, en concevant un bâtiment ?
L’écran tactile hors d’usage. Sur ce parvis, toujours, l’immense panneau lumineux du cinéma MK2 présente les films à l’affiche, tandis que l’écran tactile, mis à disposition du public par la bibliothèque, ne fonctionne plus. Lorsqu’une entreprise privée utilise une technologie, il ne lui semble pas concevable de ne pas l’entretenir, mais quand la même technologie est au service au public, la maintenance est en option. C’est irritant.
De la passerelle Simone de Beauvoir, construite en 2006, voici des vues inhabituelles de la ville, loin au nord-ouest, le tribunal de Paris inauguré en 2018, et au sud, les tours Duo toutes neuves, formidablement énergivores et anachroniques, mais qui fait la fierté des élus parisiens. En contrebas, c’est la piscine Joséphine Baker, seule piscine publique découverte de Paris. Lorsque les habitants des villes peuvent se baigner, ils supportent mieux la canicule.
La polysémie de Bercy. Rive droite, voici le parc de Bercy, aménagé en 1993 sur d’anciens entrepôts de vin. Bercy, un nom polysémique qui, dans le langage courant, désigne à la fois une gare, un stade, un ministère (et, par extension, le budget de l’État ou des fonctionnaires rigides), un parc… Plusieurs quartiers de Paris ont donné leur nom à des concepts ou à des expressions : les Champs-Élysées, la Rive gauche, Vauvert, Montmartre, Louvre, etc. Privilège d’une capitale très peuplée d’un pays centralisé.
Comme en témoignent les gens qui arpentent le lieu en traînant des valises, Bercy est aussi une gare routière. Le transporteur Flixbus a obtenu que son nom, et son logo, figurent sur un panneau de signalisation. Signe, une fois encore, que l’espace urbain se privatise.
Les slogans publics, les réponses des habitants. Les habitants ne peuvent pas rester à l’écart de ce dialogue écrit. Lorsque des travaux sont entrepris, qu’un arbre est abattu, pour vanter les atouts solidaires et écologiques d’un conteneur métallique destiné à récupérer des vêtements, ou pour promouvoir ses bornes électriques, la ville de Paris aime communiquer, par écrit, à l’intention de ses administrés et des passants.
Rue de Bercy, sur la façade de l’école Paul Verlaine, une affiche précise qu’une « restructuration partielle » est en cours. Un contribuable a sorti son marqueur pour répondre à la collectivité : « troisième année que le toit de la Maternelle est réparée Attention à ne pas gaspiller l’Argent public ». Les slogans publics parlent au public, et celui-ci répond. C’est ça aussi, la ville.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
 
 
Connaissez-vous la cour intérieure de l’hôtel Matignon ? Contrairement aux majestueux jardins situés derrière le bâtiment, il s’agit d’un périmètre minuscule, revêtu de pavés ancestraux mais disjoints, décoré par des bacs où poussent des arbustes, et qui sert d’ordinaire de parking aux chauffeurs. Ceux-ci laissent volontiers leur moteur ronronner, comme en témoignent des écriteaux placés là par les occupants des bureaux dont les fenêtres donnent sur la cour.
250 millions. Pour toutes ces raisons, le lieu ne se prête pas du tout à la pratique du vélo, mais, le 20 septembre, une vingtaine d’enfants tentaient tout de même d’y pédaler, sur un circuit matérialisé par des plots et des chaines en plastique. Élisabeth Borne célébrait ce jour-là, entourée de cinq membres de son gouvernement, le quatrième anniversaire du « plan vélo » de septembre 2018. « Le vélo, c’est accessible, écologique, bon pour la santé et bon pour l’économie », proclamait-elle, avant d’annoncer une rallonge de 250 millions d’euros en 2023.
Tout le monde trouve ça très bien, la FUB (usagers), les deux associations d’élus, le Gart (élus aux transports) ou la Fnaut (usagers des transports publics). Seuls quelques observateurs attentifs, comme le chercheur en aménagement et urbanisme Sébastien Marrec, ont fait valoir que 250 millions, en fait, c’est déjà ce que l’État dépense en un an pour le vélo, et que l’Italie (d’avant Meloni) ou le Royaume-Uni (de Johnson), faisaient mieux il y a quelques années.
Au sein même de la FUB, Thibault Quéré, responsable du plaidoyer, lançait tout de même un pavé dans la mare: « Certes, le budget vélo pour 2023 est augmenté par rapport à 2022, mais la hausse est seulement de 50 millions d’euros car le reliquat de budget 2022 a été transféré à 2023 ».
Et les transports publics? Les transports publics, pièce maîtresse de l’alternative au tout-voiture, au dérèglement climatique et à l’épidémie de sédentarité, en revanche, attendent toujours leur réunion médiatisée dans la cour de Matignon et leur rallonge budgétaire, même minime. Certes, la France a un ministre des transports, Clément Beaune, qui fait tout pour montrer qu’il s’intéresse au sujet, ce qui change de son prédécesseur.
Mais les participants à l’assemblée générale du Gart ont pu mesurer, le 14 septembre, dans l’hémicycle de la métropole de Lyon, que cela ne suffirait pas. Poliment, et même gentiment, Clément Beaune a écouté les demandes récurrentes portés par le Gart ou certains de ses membres, TVA à 5,5% (au lieu de 10%), pérennisation des subventions exceptionnelles, sécurisation du versement mobilité, nouveau plan d’investissements, limite de la vitesse sur les autoroutes à 110 km/h. Et puis le ministre a répondu que c’étaient plutôt de bonnes idées mais que l’on verrait ça plus tard.
Mais enfin, pourquoi ? Mais comment le vélo parvient-il à séduire les politiques, partout, du sommet de l’État aux présidents de communautés de communes rurales en passant par les agents territoriaux, alors que le train, le bus, le tramway ne suscitent que des discours convenus ? La réponse est connue. L’essor du vélo ne s’appuie pas seulement sur des engagements ministériels, mais sur un mouvement citoyen et enthousiaste. Lorsque deux cyclistes se croisent dans une ville, ils discutent des obstacles, des difficultés, des aménagements qu’il faudrait créer et faire respecter, et tout cela, les critiques mais aussi les propositions, se retrouve bientôt sur les réseaux sociaux. Les solutions pour le « système vélo » reposent sur les usagers eux-mêmes, qui deviennent bientôt militants, consultants, élus. La vague est puissante: 190 associations locales étaient membres de la FUB en 2016. Elles sont désormais plus de 500.
Un mouvement citoyen. Le Baromètre des villes cyclables, qui permet à chacun, en une quarantaine de questions, de noter les infrastructures et l’engagement de sa ville, connaît un succès grandissant. C’est le seul mouvement populaire en matière de mobilité, à l’exception des « gilets jaunes » dont le slogan pouvait se résumer à «touche pas à ma voiture». De 113000 réponses en 2017, le baromètre a atteint 275000 réponses en 2021. Les élus locaux scrutent les résultats, les comparent avec ceux des villes voisines, craignent les manifestations de cyclistes et leur reprise par les médias.
Au-delà de l’expertise des associations. Il faut faire la même chose pour les transports publics. Des associations existent bien sûr, à commencer par la Fnaut ou ses antennes locales, qui proposent, amendent, réagissent. Mais elles sont méconnues du grand public et ne portent pas la voix de l’ensemble des usagers. Rares sont les associations qui, comme Plus de trains en Ile-de-France, cherchent à transmettre au grand public un intérêt pour la complexité des enjeux ferroviaires, et à négocier avec les pouvoirs publics.
Il faut un Baromètre citoyen des transports publics, un questionnaire en ligne qui proposerait à tous les passagers de noter leur réseau urbain, les lignes de métro ou de tramway, les gares, les voyages en TER ou en TGV. Oui, ce n’est pas facile à mettre en place et demande une concertation entre les associations existantes. Peut-être commencera-t-on par un segment du vaste univers des transports, les TER, ou les lignes franciliennes.
On peut déjà imaginer une liste de questions : les TER circulent-ils aussi bien tous les jours ? Sont-ils le plus souvent à l’heure (oui, il existe déjà des mesures de ponctualité, mais qui ne prennent pas en compte le ressenti des voyageurs), quels sont les jours où les dysfonctionnements sont les plus nombreux ? Les trains sont-ils confortables, les toilettes propres, la tranquillité des voyageurs assurée ? Les contrôleurs sont-ils présents, en particulier en cas de difficulté (retard, incident, chahut d’une partie des passagers) ?
ion PACALes machines, les ascenseurs, les escalators fonctionnent-ils? Les gares pourraient faire l’objet d’un questionnaire spécifique : ouverture du guichet s’il y en a un, fonctionnement effectif des machines, des ascenseurs, des escalators, qualité de l’information donnée aux voyageurs, présentation des alternatives en cas de dysfonctionnement, aménagement du parvis, sentiment de sécurité aux abords des gares routières, possibilité de stationner un vélo, éclairage du parking, présence d’une consigne à bagages (il n’y en a presque plus, alors qu’on en trouve dans chaque gare en Allemagne ou en Suisse), présence de toilettes en état de fonctionnement (souvent le local est fermé, ou n’ouvre qu’aux heures de bureaux…)
Bien sûr, une partie de ces informations sont déjà renseignées, et bien connues de la SNCF, des opérateurs ou des associations d’usagers. Bien sûr, la réponse ne serait pas toujours aisée, car le ferroviaire est un univers complexe dans lequel interviennent de nombreux acteurs.
Mais il importe de sortir du débat entre spécialistes, de quitter la rive rassurante des chiffres froids et des tableurs Excel. Le transport de voyageurs est une matière vivante ! Imaginez que 500000 passagers, un million, trois millions, répondent à une quarantaine de questions! Les pouvoirs publics ne pourraient plus se contenter de répondre poliment. Oui, il faut un Baromètre citoyen des transports publics!
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
 
« L’interconnexion n’est plus assurée », le nom de ce blog, fait référence à la petite phrase qui s’échappait les jours de galère des hauts-parleurs sur les quais du RER.
La rivalité surjouée entre « les Parisiens », auxquels on réduit systématiquement les habitants de l’Ile-de-France, et les « provinciaux », ont la vie dure. Derrière ces idées reçues se cache un constat encombrant: il y a trop de monde en région parisienne. Rue de l’Echiquier, février 2021.

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