Les VCs peuvent-ils vraiment apporter plus que de l’argent aux entreprises qu’ils financent ? C’est une question récurrente dans l’écosystème. Par a priori ou expérience, beaucoup sont en effet dubitatifs, y compris chez les VCs eux-mêmes ! Décryptage avec Boris Golden de Partech.
Republication du 8 octobre 2018
Plus que jamais, la plupart des entrepreneurs attendent « plus que de l’argent » des VCs, qui jouent pour leur part de plus en plus la carte de l’accompagnement pour se démarquer et séduire (car il faut rappeler que les startups qui arrivent à lever des fonds ont souvent le choix entre plusieurs investisseurs).
Alors, qu’en est-il ?
Tout d’abord, il est important de rappeler le métier des VCs :
Cela ressemble en gros à ça (pour approfondir ce sujet, rendez-vous ici)
L’accompagnement n’est donc qu’une des facettes du travail d’un VC, qui a 2 « clients » très différents : les LPs et les entrepreneurs. Cela amène, schématiquement, à 2 manières de voir le métier de VC : « simple » investisseur devant faire des bons deals, ou aussi « coach / mentor » de startups les accompagnant dans leur développement ?
Avant toute forme d’accompagnement, la fonction première d’un VC est incontestablement celle d’investisseur : apporter de l’argent, dans des conditions saines, et aider l’entreprise à lever son prochain tour de financement, sans lui mettre des bâtons dans les roues. Mais cela peut aller beaucoup plus loin !
Voici une vision schématique, inspirée de la pyramide de Maslow (le principe étant que les couches du haut deviennent prioritaires lorsque celles du bas sont réalisées), des différents niveaux de « support » d’un VC :
De bas en haut :
1. Investissement initial : la capacité à investir de l’argent, dans des conditions raisonnables (valorisation, gouvernance, droits exigés par l’investisseur…), et en offrant une « expérience » de qualité à l’entrepreneur (processus d’investissement suffisamment rapide, clair, constructif et respectueux).
2. Non toxicité : avant d’envisager un rôle positif du VC, il faut déjà qu’il ne soit pas toxique pour l’entreprise (volonté de diriger/décider, exigences démesurées de reporting, pessimisme ou manque d’ambition, conflits d’intérêts…).
3. Capacité à réinvestir : pour une startup, décoller prend souvent plus de temps que prévu. Il est précieux de pouvoir compter sur une potentielle « rallonge » de la part de ses investisseurs, ou simplement sur leur participation au prochain tour de financement (ne pas réinvestir est souvent considéré comme suspect par les nouveaux investisseurs et peut les dissuader d’investir à leur tour).
4. Devoirs d’actionnaire : disposant de prérogatives spécifiques, (par exemple, une place au « board », l’organe en charge de superviser la bonne gestion de l’entreprise), le VC doit agir dans l’intérêt de l’entreprise, faciliter ses étapes clés de développement, et être informé & réactif pour challenger/valider les décisions importantes de gouvernance (budget, stocks options, augmentations, embauches, tours de financement, revente…).
5. Écosystème & plateforme : c’est ici que le rôle d’accompagnement « à valeur ajoutée » commence vraiment. Les VCs disposent en général d’un réseau développé, d’entrepreneurs prêts à s’entraider, d’un répertoire de contenus, bonnes pratiques, méthodes, prestataires… et parfois même d’experts métier au sein de leur fonds.
6. Accompagnement individualisé : un VC peut accompagner les entrepreneurs dans la construction et le développement de leur entreprise, en faisant office de conseiller et de coach ayant une vision globale du business. Cela présuppose un vrai « fit » avec les entrepreneurs et leur business.
Les 4 couches du bas concernent donc le rôle d’investisseur financier professionnel (primordial, et loin d’être une commodité sur le marché), et les couches 5 & 6 la « valeur ajoutée » qu’un VC peut apporter.
C’est une question qui revient très souvent dans les débats entre les 2 visions du rôle d’un VC, et cela peut se comprendre, puisqu’un VC est bien en premier lieu un investisseur financier !
Cependant, s’il en a la volonté et s’en donne les moyens, un VC dispose d’une combinaison unique d’atouts pour aider les entrepreneurs :
Connaissance du contexte, point de vue extérieur et vision transverse : contrairement à un conseiller ponctuel, un VC impliqué a le contexte et connaît les spécificités & enjeux majeurs de l’entreprise (business model, organisation, marché, personnalité des entrepreneurs, historique, etc.). Mais il a aussi un point de vue plus extérieur que les entrepreneurs (et leurs équipes) qui y travaillent au quotidien, ce qui facilite la prise de recul, la mise en perspective, et la distance émotionnelle. Enfin, contrairement à un expert métier, il a une vue d’ensemble des problématiques transverses d’une entreprise.
Temps et disponibilité : construire une relation, être au courant de ce qui se passe dans une entreprise, comprendre son activité et son marché, et accompagner des entrepreneurs régulièrement, tout cela demande du temps et de la réactivité, sur la durée. Cela tombe bien : cela fait partie du travail d’un VC (qui n’a d’ailleurs pas besoin de se faire rémunérer par l’entreprise pour le temps qu’il lui consacre, contrairement à un prestataire de service). Cependant, le VC dispose d’un temps limité (très variable selon les personnes et les fonds), et fait souvent un arbitrage sur le temps qu’il choisit d’allouer aux différentes startups de son portefeuille (en fonction de sa capacité à leur apporter de la valeur, de son fit avec chacune, de leur potentiel, du montant investi, etc).
Alignement d’intérêts : un VC a envie et besoin que les entreprises qu’il a financées réussissent ! En effet, cela conditionne la performance financière de son fonds (dans lequel le VC a lui-même des intérêts financiers directs), et a un impact sur son « track record » & sa réputation. De plus, passer plusieurs années à accompagner une entreprise / des entrepreneurs peut créer un réel attachement. Il est cependant à noter que dans certaines situations, il peut y avoir un vrai désalignement d’intérêts entre VCs et fondateurs (quand les choses ne vont pas au mieux notamment).
Légitimité et capacité d’influence : un VC a une certaine légitimité pour être tenu au courant et donner son avis sur le développement de l’entreprise, en tant que professionnel (ayant de l’expérience et de l’expertise) et qu’actionnaire (avec souvent du pouvoir et des responsabilités vis-à-vis de la gouvernance d’entreprise, et devant rendre des comptes à ses propres investisseurs). Si le VC a de plus noué une relation de confiance et de travail avec les entrepreneurs, il sera plus en mesure d’être sollicité, d’avoir leur écoute et de pouvoir les « influencer ».
Expérience pertinente et récente : les VCs ont l’opportunité unique de développer, à travers une expérience sans cesse enrichie et renouvelée, du bon sens, de l’intuition, de l’expérience et des insights sur la construction et le développement d’une entreprise (et aussi sur des marchés ou business models spécifiques). Car ils peuvent analyser les nombreux cas de figure différents auxquels ils sont confrontés dans le cadre de leur métier et en tirer des patterns & leçons. Attention cependant à la généralisation excessive : chaque cas est unique, et les plus belles réussites bouleversent souvent bien des règles établies.
Compétences et savoir-faire : accompagner des entrepreneurs demande un ensemble de compétences / savoir-faire particuliers que le VC a l’occasion de développer au quotidien. Conseiller avec une vision globale et des facultés de compréhension rapide, d’analyse, de jugement et de conviction ; « sparring partner » aidant à réfléchir et décider ; coach humain et business avec une posture / attitude favorisant l’écoute (et permettant au VC de ne plus être perçu avant tout comme l’investisseur auquel on rend des comptes ou à qui on doit renvoyer une image positive) ; et parfois même mettant les mains dans le cambouis sur certains sujets.
Réseau, communauté et ressources documentaires : les VCs ont à leur disposition au sein de leur fonds de nombreuses ressources, qui peuvent être des outils clés dans le support à leur portefeuille.
Ces critères peuvent d’ailleurs constituer une première grille d’analyse pour les entrepreneurs souhaitant évaluer le potentiel d’accompagnement d’un VC (au-delà du fit humain et business).
Rôles
Un VC (en général la personne au board de l’entreprise financée) peut jouer plusieurs rôles pour aider les entrepreneurs à faire face aux challenges inhérents au développement rapide d’une entreprise innovante :
Facilitateur, pour aider les entrepreneurs à « bien penser » et structurer leur business, ce qui peut changer la trajectoire d’une jeune entreprise :
Le VC joue alors un rôle de maïeuticien et de « sparring partner » bienveillant, mais difficile à convaincre et exigeant. Cela peut paraître bateau, mais lorsque l’on manque de recul, d’expérience ou de points de comparaison, on peut vite passer à côté d’évidences.
Conseiller, partageant des insights pertinents par rapport au contexte de l’entreprise (sans généralisations hâtives ou excès d’assertivité) :
Coach, pour apporter un support psychologique, et aider les entrepreneurs à se structurer et se développer :
« Enabler », donnant accès à des ressources clés pour aider à la construction et la croissance de l’entreprise :
Sujets
Ces quatre « casquettes » peuvent se décliner sur différents sujets stratégiques et opérationnels. Ces sujets peuvent être relativement génériques (donc plutôt méthodologiques, comme par exemple la structuration d’une roadmap produit ou d’une équipe commerciale), ou au contraire très spécifiques à une entreprise et son marché (par exemple : définition de la cible de ses early adopters, choix du business model le plus pertinent).
En pratique, les sujets sur lesquels les VCs peuvent être amenés à accompagner les entrepreneurs sont donc très variés (en particulier en early-stage, c’est-à-dire lorsque beaucoup des fondamentaux du business et de l’entreprise sont encore à construire), comme typiquement :
Le VC a la plupart du temps un rôle généraliste, et n’a donc pas vocation à rentrer dans le détail des fonctions métier (surtout lorsqu’elles demandent une expertise poussée).
« Plateforme »
Les fonds de VC mettent aussi de plus en plus souvent à la disposition des entreprises qu’ils ont financées une offre mutualisée de « plateforme », permettant d’orienter les entrepreneurs vers des personnes ou des ressources pertinentes pour les aider, au-delà du support direct du VC lui-même (qui n’est pas omniscient, et dispose en plus d’un temps limité pour accompagner chaque entreprise). Typiquement :
Il ne faut pas perdre de vue deux choses : d’une part, compte-tenu de la compétition croissante chez les VCs pour gagner les « meilleurs » deals, il peut y avoir une propension à survendre la valeur ajoutée en amont. D’autre part, si un VC peut être un vrai accélérateur, ce n’est pas un magicien : il ne transformera pas une entreprise moyenne en un succès mondial !
Les entrepreneurs (et leurs équipes) sont et resteront le moteur principal du succès de leur entreprise.
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