Coltesse remporte le Grand Prix de la Création de la Ville de Paris – The Good Goods

Accueil
Mode
Rencontre avec le fondateur la marque Coltesse, vainqueur du Grand Prix de la Création de la Ville de Paris
Rédigé par Victoire Satto
Le 15 sept. 2022

Ralentir pour croître. Voilà une formule antithétique à même de faire pâlir de nombreux acteurs de l’écosystème mode conventionnel. À l’heure où celui-ci vacille – entre inflation menaçante, hausse exorbitante du coût des matières et client·e·s inquiets pour leur portefeuille autant que le climat – se dessine à l’horizon des modèles différents. A la fois humbles et audacieux, déconstruisant les bases de leur métier pour modeler de nouveaux paradigmes, en assemblant des vêtements. Production raisonnée, circuit de proximité, quantités à la demande et pièces de qualité dont les clients comprennent le prix et à travers lui, la valeur de l’objet à chérir et garder. Ce modèle, Coltesse Paris ne l’a pas toujours appliqué. Il a fallu 8 années à Florent et son équipe pour appréhender une discipline abordée avec technicité, comprendre tant sa beauté que ses méfaits et imposer avec douceur son propre modèle. En 2022, la ville de Paris lui remet le Grand Prix de la Création et semble récompenser, au-delà de son travail, une vision cohérente et soutenable à insuffler à toute une industrie. Rencontre. 

Ralentir pour croître. Voilà une formule antithétique à même de faire pâlir de nombreux acteurs de l’écosystème mode conventionnel. À l’heure où celui-ci vacille – entre inflation menaçante, hausse exorbitante du coût des matières et client·e·s inquiets pour leur portefeuille autant que le climat – se dessine à l’horizon des modèles différents. A la fois humbles et audacieux, déconstruisant les bases de leur métier pour modeler de nouveaux paradigmes, en assemblant des vêtements. Production raisonnée, circuit de proximité, quantités à la demande et pièces de qualité dont les clients comprennent le prix et à travers lui, la valeur de l’objet à chérir et garder. Ce modèle, Coltesse Paris ne l’a pas toujours appliqué. Il a fallu 8 années à Florent et son équipe pour appréhender une discipline abordée avec technicité, comprendre tant sa beauté que ses méfaits et imposer avec douceur son propre modèle. En 2022, la ville de Paris lui remet le Grand Prix de la Création et semble récompenser, au-delà de son travail, une vision cohérente et soutenable à insuffler à toute une industrie. Rencontre. 
Apprendre en faisant, c’est l’histoire de ma vie.
Je m’appelle Florent. J’ai grandi entre Biarritz et Paris et je suis le fondateur de la marque Coltesse. Elle est née en 2014, fruit de beaucoup de rencontres. À l’époque Directeur Artistique digital, autodidacte, j’ai très rapidement  évolué dans un milieu créatif, visuel, entre des artistes et des sets designers avec lesquels les discussions étaient passionnantes, dont les fondateurs du salon MAN. J’ai ainsi eu l’opportunité de présenter une collection de chemises que j’avais pris plaisir à développer, par curiosité. J’avais l’ambition d’un vestiaire de classiques déridés, je questionnais l’intemporalité, ce qui fait qu’un vêtement traverse les époques.
J’ai abordé ce salon de façon très naïve : après 113 chemises vendues, je pensais avoir atteint le succès. Dans ce métier, il semble y avoir deux profils : l’un candide et l’autre requin. Le premier est un rêveur intuitif, le second est un testeur qui connaît son marché. C’est avec cette candeur que j’ai rencontré mes premiers clients japonais. J’étais avide de rencontres et en pleine mue, d’un parcours scientifique – un bac S suivi d’une prépa non conclue – à un autre, plus créatif. 
Aujourd’hui, avoir une marque me permet d’être à l’équilibre, entre idéalisme et réalisme. Je suis tantôt très terrien et complètement exalté, tantôt la tête dans les nuages. Ces deux facettes se bagarrent ou se répondent, dans une dualité quotidienne.
Cela a commencé par les marques. Adolescent, le plaisir du vêtement était beaucoup plus rare qu’aujourd’hui. L’achat d’un vêtement griffé était un privilège de milieu aisé ou qu’on s’offrait une ou deux fois par an, qu’on arborait fièrement. Aujourd’hui, nous sommes noyé·e·s dans l’abondance de marques ostentatoires, il est possible d’être griffé de la tête aux pieds, de porter sur soi des sommes folles, comme des pièces chinées. Dans les deux cas, le renouvellement est constant.
À l’époque, je n’étais pas très sensible à l’esthétique. Un style un peu usé, un peu skater. J’ai commencé à m’intéresser aux vêtements non pas pour l’allure mais pour comprendre. Les matières ont un aspect technique, très rapidement geek. Plonger dans un savoir-faire est aussi satisfaisant qu’apprécier une silhouette. J’avais besoin de tout décortiquer, d’apprendre… Qu’une jolie matière ne fait pas un beau vêtement, que si la matière ne comprend pas le vêtement et inversement, un modélisme idéal peut donner un résultat totalement raté. Il fallait toucher, prototyper, couper. Aujourd’hui, le plaisir est pour moi autant stylistique que technique, et le style n’est pas lié aux pièces, mais bien à ce que l’on en fait. 
Dans cette quête de vêtement technique, je me suis d’abord orienté vers le Japon. Le pays regorge de machines anciennes, la culture du tissu est incroyable. Aujourd’hui, si j’achète du tissu japonais, il est issu de dead stocks et déjà présents en France.
Lors des premiers salons, il y avait une course en toutes choses : aux nombres de collections, de références, aux silhouettes proposées. Puis le COVID est arrivé, mettant un coup d’arrêt franc à cette poursuite. Nous nous sommes alors totalement rencentrés sur une logique de proximité, de la précommande. Le cheminement de la marque suit mon cheminement personnel, un besoin de ralentir autant rationnel que ressenti. Proximité des fournisseurs, de la production et de la clientèle. Il y a 3 ans, 80% de notre marché était le Japon, B2B. Le tissu venait du Japon, était assemblé au Portugal et notre meilleur marché était le Japon… C’est complètement absurde ! Mais on le faisait. On tentait de maîtriser nos volumes, mais il fallait produire en quantités pour être rentables, alors qu’on distribuait à l’international. 
Aujourd’hui, notre modèle est beaucoup plus sain. On produit beaucoup moins, des pièces vendues en direct et à 80% en France. On a réussi à bien se réinventer, avec une petite équipe géniale qui perpétue la notion de rencontres et d’aventures humaines qui portait la marque à ses débuts. 
Une jolie matière ne fait pas un beau vêtement.
Même convaincu, tu peux te perdre rapidement dans un projet dès lors que les considérations économiques prennent le dessus. Coltesse a toujours eu une démarche très juste sur le prix et l’a toujours expliqué. Nos prix sont élevés, parfois tellement que l’on peut avoir l’impression que c’est une image de marque, mais ce n’est pas un prix pour l’image.  C’est la réalité d’un vêtement fait à Paris dans des matières nobles et à la main. L’effort de pédagogie est constant. 
On faisait venir le tissu du Japon, puis assembler au Portugal et notre meilleur marché était à nouveau le Japon. C’est complètement absurde ! Mais on le faisait.
Coltesse est une marque pour hommes, qui aime tout de même bien que les filles viennent piquer dans son vestiaire.  
On questionne l’intemporalité en transformant un vestiaire de classiques. Paradoxalement, j’ai longtemps eu du mal avec ce terme,  “classique”, que j’associais à la poussière. Pourtant le classique, c’est aussi une pièce de théâtre de 200 ans à laquelle tu apportes autre chose et tu donnes du relief. Notre métier, c’est ça : travailler des grands classiques avec une nouvelle énergie, un peu oversize, une envie de liberté, de mouvements, de générosité. Notre manteau va, par exemple, avoir des épaules basses, des manches coudées assez franches, des fentes côtés qui permettent le mouvement et donnent un aspect pratique. Nos fentes sont incrustées avec un peu de layering, ce qui laisse visibles les entrées de poches. Notre style est globalement très minimaliste. 
Cette réponse n’est pas simple. La crise actuelle est telle dans le textile, qu’à titre d’exemple, notre fournisseur de laine froide affiche des délais de 9 mois tandis qu’il proposait du stock service, immédiatement disponible. L’augmentation des coûts nous fait prendre conscience de plein fouet la préciosité de ces matières que l’on ne respecte pas du tout. Quand on connaît la quantité de textiles et de vêtements produits, portés et jetés, on en a des frissons d’effroi. Il arrive que cette industrie me donne la nausée. Je sais pour autant qu’il faut commencer quelque part et faire au mieux le job.
Le polyester est un no go. L’un de nos pull contient 15% de polyamide recyclé, ce qui est un compromis technique, et l’on s’attache à fabriquer un vêtement qui va durer. Le choix de la matière est certes dépendant d’un aspect technique que l’on maîtrise aujourd’hui, mais s’inscrit surtout dans la prise en compte du cycle de vie d’un vêtement, de sa confection à sa fin de vie. 
L’arrivée à LA CASERNE a bien sûr accéléré cela. Le Meet Up sur le jean, notamment, m’a ouvert les yeux sur la réalité du recyclage, très limitée par la quantité de trims et d’éléments superflus. Étiquettes en cuir, rivets, zips… On finit par couper grossièrement les jambes et incinérer la grande majorité de la pièce… Faut-il mettre des rivets alors ? Des boutons pressés impossibles à retirer ? Ces questions nous ont poussé à trouver un fournisseur de diabolos, à la manière des boutons de manchettes, qui sont amovibles et réutilisables, réalisés en France. On travaille le coton bio quand on peut, quand bien même les prix explosent. On l’explique au client, qui a sa part de responsabilité dans son éducation aux matières, à la façon, à l’entretien
L’année dernière, la campagne de communication de notre manteau était une vidéo dans laquelle, sans cesse, des mains entraient dans le champ. Tout le message est là : ce ne sont pas des machines qui découpent et assemblent par magie, ce sont des êtres humains. 
Celui que j’idéalise ressemble un peu à mon équipe : tous les profils qui entrent et sortent sont éclectiques, ouverts sur le monde. Tout type de personnalité s’y trouve, il y a un côté agence tout risque qui s’enrichit mutuellement et se retrouve sur des piliers communs. 
Plus réaliste, nous avons globalement deux types de clients : celui à la recherche de l’oversize bien fait, connaisseur, ayant des notions de savoir-faire et de prix, de temps passé. Ce client là veut valoriser ces savoirs, il sait que 90% des compétences sont parties en Asie. Ce sont souvent des clients très mode avec des références pointues. Le second type est plus mass market, mais il s’intéresse au produit et ressent que changer de manteau chaque saison est suspect et peu satisfaisant. Il sort de la consommation de masse pour aller chercher plus qualitatif, une dimension stylistique différente. Cependant, dans l’oversize, il y a toujours un temps d’adaptation.
Le vêtement pour moi est un moyen de voyager. Quand tu t’habilles, tu te racontes une histoire, c’est bien plus ludique quand tu l’as compris. Coltesse ne fait pas des vêtements d’adulescents, ce sont des vêtements pour adultes qui ont la fraîcheur, la candeur d’une vision adolescente sur le monde, un champ des possibles ultra-large. C’est ta toile, ce que tu y projettes, ce que tu décides de ta journée. Ce sont des pièces sérieuses que tu peux twister facilement : être un avocat à la cour le jour dans ton manteau cérémonieux qui sera décomplexé le WE avec une paire de baskets.
Quand tu t’habilles, tu te racontes une histoire.
C’est la condition sinéquanone pour faire ce job, je ne me vois pas le faire autrement. Le tissu est un point de départ sur lequel se centrer pour dézoomer, appréhender la globalité de sa marque et les conséquences de ses actes. Coltesse est une petite marque qui avance à petits pas, dans une dynamique d’application. Ce sont des informations qu’on met peu en avant sur le site, par choix. La question de la responsabilité dans une industrie qui pollue massivement ne devrait pas être un sujet.
Nous avons tout d’abord une logique de proximité et de circuits courts : made in Europe voire France voir Paris. 
Concernant les matières, un exemple est sans doute plus parlant pour illustrer l’intégrité de la démarche : l’année dernière, nous avons sorti une veste matelassée, 100% laine upcyclée et doublée en coton. La ouate/le matelassage, était en 100% polyester recyclé. On a tenté différemment, en travaillant avec une entreprise française qui récupère les coproduits de la chaîne alimentaire du mouton pour développer une ouatine isolante pour le BTP et le textile, mélangée avec un dérivé d’amidon de maïs, environ 20%. Cela nous coûte 3 fois plus cher que le polyester, mais on est heureux ! La laine est de surcroît une matière aux propriétés techniques bien meilleures, respirantes et thermorégulatrice. Coton, laine, boutons made in France, déchets revalorisés, dead stocks… Le produit conçu est pensé du dessin à sa fin de vie, recyclable et démantelable, le polyester n’est plus un sujet. Ce produit là a de la valeur. 
L’envie de créer un vêtement part de l’envie égoïste de porter quelque chose. Je trouve des références esthétiques en tout. Une simple photo par exemple, sur laquelle les proportions, volumes x couleurs, feront l’objet de discussion. Généralement, je lance une direction, Pierre mon styliste modéliste en chef, rebondis, un ping pong s’installe… Jusqu’à ce que l’on crée un vêtement.
Pierre était stagiaire chez Coltesse il y a 5 ans. Il est revenu en 2020 et est aujourd’hui mon bras droit. C’est un garçon généreux, qui a beaucoup de talent et maîtrise la technique, qui met son énergie et sa patte dans la marque. Pierre est une vraie rencontre. 
François est également styliste modéliste et développe sa propre marque en  parallèle. Il a l’upcycling chevillé au corps ! Il traverse l’Europe pour récupérer des stocks dormants de l’armée. Son look n’a rien à voir avec la marque, une sensibilité esthétique brute, à bords francs, ce qui est très enrichissant et fonctionne grâce à notre sens de l’humour commun. 
Manon, une autre belle rencontre, travaille sur la partie communication. Elle est arrivée avec beaucoup de dynamisme et d’envie, a su capter l’âme de Coltesse et nous mettre en avant à sa façon notamment en filmant, présente au bon moment pour faire ressortir ce que l’on ne savait pas montrer. 
Alix vient de nous rejoindre, elle est chef de produit. Patrick, enfin, est aussi styliste modéliste ! Il aide Pierre et cela reflète bien le temps que l’on consacre au développement de nos vêtements.
J’aimerai évoluer dans vers un studio, intensément dans le vêtement puis dans l’objet, par exemple en partenariat avec Cuze, un céramiste japonais. D’autres belles collaborations sont en cours, notamment chez des marques en développement qui n’ont pas de savoir-faire et peuvent bénéficier du notre. 
Paris est notre lieu de travail, l’endroit où l’on développe, où l’on fait fabriquer. Nous avions déjà reçu un prix du Jury avec le manteau fenté. Le mot “Création” est également clé, ce prix sous-tend la célébration de la création au sens large
Il y avait une dimension de défi, challenger notre capacité de résumer son activité en 5 minutes est possible, si elle est cohérente. Gagner ce prix est pour moi une occasion précieuse de remercier tous les gens à qui je n’adresse pas ces mots au quotidien, qui sont intervenus de près ou de loin dans ce projet. Seul, je n’aurais rien fait. Un prix est un point de repère, une étape, cela soude une équipe dans le parcours d’une marque. C’est la quête qui nous lie et est intéressante. Nous sommes honorés et fiers, heureux d’accélérer le mouvement sur certains projets. 
Je crois que nous avons eu, après plusieurs tentatives, le prix cette année parce que la marque est arrivée à une maturité, un discours d’alignement après un point de bascule. Le raconter n’est plus inventer. C’est aussi pour cette raison que notre studio est ouvert aux clients, parce que dire ses évidences n’est pas le plus simple. On se montre tels qu’on est désormais, sans excès, honnêtement.
Espace commentaire
(0)
Ça peut aussi vous intéresser
Au fait,on écrit une super newsletter
Recevez chaque mercredi une revue de presse de nos articles, podcasts et vidéos et les Good Goods news en avant-première.
Je suis un·e professionnel·le (recevez une fois par mois les nouvelles du business de la mode responsable)
The GoodGoods est ambassadeur des Objectifs de Développement Durable de l’ONU.
Ce site a été conçu et développé par Buddy Buddy pour produire une faible empreinte carbone.

source

bilan professionnel Poitiers tours

bilan de compétences Poitiers tours

bilan de compétences Poitiers tours

bilan pro Poitiers tours

pourquoi faire un bilan de compétences Poitiers tours

bilan de compétences Poitiers tours

bilan de compétences Poitiers tours

contenu d’un bilan de compétences Poitiers tours

A propos de l'auteur

Backlink pro

Ajouter un commentaire

Backlink pro

Prenez contact avec nous

Les backlinks sont des liens d'autres sites web vers votre site web. Ils aident les internautes à trouver votre site et leur permettent de trouver plus facilement les informations qu'ils recherchent. Plus votre site Web possède de liens retour, plus les internautes sont susceptibles de le visiter.