Le choléra est une infection diarrhéique aiguë provoquée par l’ingestion d’aliments ou d’eau contaminés par le bacille Vibrio cholerae. Le choléra reste à l’échelle mondiale une menace pour la santé publique et un indicateur de l’absence d’équité et d’un développement social insuffisant.
Le choléra est une maladie extrêmement virulente qui peut provoquer une diarrhée aqueuse aiguë sévère. Les symptômes apparaissent entre 12 heures et cinq jours après l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés.[2] Touchant les enfants comme les adultes, la maladie peut tuer en l’espace de quelques heures si aucun traitement n’est administré.
La plupart des sujets infectés par V. cholerae ne manifestent aucun symptôme, bien que le bacille soit présent dans leurs selles pendant 1 à 10 jours après l’infection et soit éliminé dans l’environnement, où il peut potentiellement infecter d’autres personnes.
Pour les personnes qui manifestent des symptômes, ceux-ci restent bénins à modérés dans la majorité des cas, tandis que chez une minorité de malades, une diarrhée aqueuse aiguë, s’accompagnant de déshydratation sévère, se développe. En l’absence de traitement, elle peut entraîner la mort.
Au cours du XIXe siècle, le choléra s’est répandu dans le monde entier à partir de son réservoir initial, dans le delta du Gange, en Inde. Les six pandémies qui ont eu lieu par la suite ont tué des millions de personnes sur tous les continents. La pandémie actuelle (la septième) a démarré en Asie du Sud, en 1961, a atteint l’Afrique en 1971, puis les Amériques en 1991. Le choléra est désormais endémique dans de nombreux pays.
Il existe de nombreux sérogroupes de V. cholerae mais 2 sérogroupes seulement, O1 et O139, sont à l’origine des flambées épidémiques. La majorité des flambées récentes sont dues à V. cholerae O1, tandis que O139, identifié pour la première fois au Bangladesh en 1992, a provoqué des flambées dans le passé, mais n’est désormais plus identifié que dans des cas sporadiques et demeure confiné à l’Asie. La maladie causée par les deux sérogroupes reste la même.
Le choléra peut être endémique ou épidémique. Une région d’endémie du choléra est une zone où des cas de choléra confirmés ont été détectés pendant trois des cinq dernières années, une transmission locale étant établie (ce qui signifie que les cas ne sont pas importés). Une flambée/épidémie peut survenir tant dans les pays d’endémie que dans ceux où le choléra ne sévit pas habituellement.
Dans les pays d’endémie, une flambée peut être saisonnière ou sporadique et le terme désigne un nombre de cas supérieur aux attentes. Dans un pays qui n’est généralement pas touché par la maladie, on entend par « flambée » la survenue d’au moins un cas confirmé de choléra, la transmission locale étant attestée dans une zone où le choléra n’est habituellement pas présent.
Il existe un lien étroit entre la transmission du choléra et un accès inadapté à l’eau potable et à des installations d’assainissement. Typiquement, les endroits à risque comprennent les bidonvilles périurbains, ainsi que les camps pour personnes déplacées à l’intérieur du pays ou les réfugiés.
Les crises humanitaires, qui ont notamment pour conséquence l’interruption des systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement et les déplacements de populations dans des camps mal équipés et surpeuplés, peuvent augmenter le risque de transmission du choléra, si jamais le bacille est présent ou s’il est introduit. Il n’a jamais été fait état d’épidémie à partir de cadavres de personnes non infectées.
Le nombre de cas de choléra notifiés à l’OMS est resté élevé au cours des dernières années. En 2020, 323 369 cas et 857 décès ont été notifiés dans 24 pays.[3] L’écart entre ces chiffres et l’estimation de la charge de morbidité vient du fait que de nombreux cas ne sont pas recensés en raison des limitations des systèmes de surveillance et des craintes de répercussions négatives sur le commerce et le tourisme.
Une démarche portant sur plusieurs fronts est essentielle pour combattre le choléra et faire baisser la mortalité. Les mesures utilisées associent la surveillance, l’amélioration de l’approvisionnement en eau, de l’assainissement et de l’hygiène, la mobilisation sociale, le traitement de la maladie et les vaccins anticholériques oraux.
La surveillance du choléra devrait faire partie d’un système intégré de surveillance des maladies prévoyant le retour d’informations au niveau local et des échanges à l’échelle mondiale.
Les cas de choléra sont détectés sur la base d’un diagnostic clinique présomptif chez les patients qui présentent une diarrhée aqueuse aiguë sévère. La présomption est ensuite confirmée par l’identification de V. cholerae dans les échantillons de selles provenant des patients touchés. La détection peut être facilitée par l’utilisation de tests de diagnostic rapide, l’alerte étant déclenchée si un ou plusieurs échantillons sont positifs pour le choléra. Les échantillons sont envoyés dans un laboratoire pour confirmation par culture bactérienne ou par test PCR. Les capacités locales permettant de détecter (diagnostiquer) et de suivre (collecter, compiler et analyser les données) les cas de choléra sont essentielles pour garantir l’efficacité du système de surveillance et planifier des mesures de lutte.
Il est conseillé aux pays touchés par le choléra de renforcer la surveillance de la maladie et la préparation nationale pour détecter rapidement d’éventuelles flambées et intervenir. En application du Règlement sanitaire international (2005), la notification de tous les cas de choléra n’est plus obligatoire. Néanmoins, les événements de santé publique impliquant cette maladie doivent toujours être évalués au regard des critères énoncés dans le Règlement (annexe 2 du RSI, instrument de décision) pour déterminer si une notification officielle est nécessaire.
À longue échéance, la solution pour endiguer le choléra passera par le développement économique et l’accès universel à l’eau potable et à des services d’assainissement. Les mesures visant les conditions environnementales consistent notamment à appliquer des solutions durables à long terme pour l’approvisionnement en eau, l’assainissement et l’hygiène dans les zones sous tension pour le choléra. Outre le choléra, ces interventions sont aussi de nature à prévenir un large éventail d’autres maladies à transmission hydrique et contribuent à atteindre les objectifs en matière d’éducation et de lutte contre la pauvreté et la malnutrition. Les solutions pour l’approvisionnement en eau, l’assainissement et l’hygiène en lien avec le choléra s’inscrivent dans la lignée de ce que prévoient les objectifs de développement durable (ODD 6).
Le choléra est une maladie facile à traiter. On peut guérir la majorité des sujets atteints en leur administrant rapidement des sels de réhydratation orale (SRO). Le sachet standard de SRO OMS/UNICEF est à dissoudre dans 1 litre (l) d’eau potable. Jusqu’à 6 litres de SRO peuvent être nécessaires pour traiter une déshydratation modérée chez un patient adulte le premier jour.
Les patients gravement déshydratés présentent un risque de choc et l’administration rapide de liquide par voie intraveineuse s’impose. Ces patients reçoivent également des antibiotiques adaptés pour raccourcir la durée de la diarrhée, diminuer les quantités de liquide de réhydratation nécessaires et écourter la durée de l’excrétion des bacilles de V. cholerae dans leurs selles.
On ne recommande pas l’administration de masse d’antibiotiques, car elle n’a aucun effet avéré sur la propagation de la maladie et pourrait favoriser la résistance aux antimicrobiens.
L’accès rapide au traitement est essentiel lors d’une flambée de choléra. La réhydratation orale doit être disponible dans les communautés et pas uniquement dans des centres de soins plus importants qui pourront à tout moment proposer des perfusions intraveineuses et une prise en charge. Avec une prise en charge rapide et adaptée, le taux de létalité devrait se maintenir en dessous de 1 %.
Le zinc est un important traitement d’appoint chez l’enfant de moins de 5 ans. Il réduit aussi la durée d’une diarrhée et peut prévenir des épisodes ultérieurs de diarrhée aqueuse aiguë due à d’autres causes.
Il convient aussi d’encourager l’allaitement maternel.
La mobilisation communautaire consiste à faire participer les personnes et les communautés dans l’élaboration et la mise en œuvre des programmes. Les pratiques culturelles et croyances locales jouent un rôle clé pour promouvoir l’adoption de règles d’hygiène appropriées, comme le lavage des mains au savon, la préparation et la conservation sans danger des aliments et l’élimination en toute sécurité des selles des enfants. Les pratiques funéraires doivent être adaptées pour les personnes qui décèdent du choléra afin de prévenir l’infection parmi les participants aux cérémonies.
La mobilisation communautaire se poursuit tout au long de la riposte aux épidémies en renforçant la communication sur les risques potentiels, sur les symptômes du choléra, sur les précautions à prendre pour se protéger contre la maladie, sur la question de savoir quand et où notifier les cas, ainsi que sur la nécessité de consulter immédiatement lorsque les symptômes apparaissent. Les communautés devraient prendre part à l’élaboration des programmes en vue de répondre aux besoins, s’agissant notamment de déterminer quand et où solliciter un traitement.
Il existe actuellement 3 vaccins anticholériques oraux (VCO) préqualifiés par l’OMS : Dukoral®, Shanchol™, et Euvichol®5. Pour les 3 vaccins, 2 doses doivent être administrées pour obtenir une protection complète.[4]Dukoral® est administré avec une solution tampon qui nécessite, pour les adultes, 150 ml d’eau potable. Dukoral® peut être donné à toute personne de plus de 2 ans. Les deux doses doivent être administrées dans un intervalle de 7 jours au minimum et de 6 semaines au maximum. Une troisième dose est nécessaire chez l’enfant de 2 à 5 ans. Dukoral® est principalement utilisé chez les voyageurs. Deux doses de Dukoral® confèrent une protection anticholérique pendant deux ans.
La composition de Shanchol™ et d’Euvichol® est la même, mais ces vaccins sont produits par deux fabricants distincts. Leur administration ne requiert pas de solution tampon. Ils peuvent être donnés à toute personne de plus d’un an. Il doit y avoir un délai minimum de deux semaines entre chacune des deux doses de ces deux vaccins. Deux doses de Shanchol™ et d’Euvichol® confèrent une protection anticholérique pendant 3 ans, une dose unique assurant une protection à court terme.
La préqualification de Shanchol™ permet son utilisation dans le cadre d’une chaîne à température contrôlée, une démarche innovante de gestion des vaccins permettant de les garder en dehors des températures habituelles de la chaîne du froid, de +2°C à +8°C, pendant une durée limitée et dans des conditions surveillées et contrôlées.
Pour plus d’informations sur la chaîne à température contrôlée, voir (en anglais) : https://www.who.int/immunization/programmes_systems/supply_chain/ctc/en/
Shanchol™ et Euvichol® sont les vaccins actuellement disponibles pour les campagnes de vaccination de masse par l’intermédiaire du stock mondial de VCO et avec le soutien de Gavi, l’Alliance du vaccin.
Sur la base des données disponibles, la note de synthèse de l’OMS d’août 2017 sur les vaccins anticholériques [5] dispose :
La vaccination ne doit pas perturber la mise en œuvre d’autres interventions de santé hautement prioritaires destinées à prévenir ou à combattre des flambées épidémiques de choléra.
Plus de 100 millions de doses de VCO ont été administrées dans des campagnes de vaccination de masse mises en place dans des zones confrontées à une flambée, des régions plus vulnérables du fait d’une crise humanitaire et auprès de groupes vivant dans des zones de forte endémie, qu’on appelle les « points chauds ».
En 2014, le Groupe spécial mondial de lutte contre le choléra (GTFCC), dont le secrétariat est hébergé par l’OMS, a été relancé. Il s’agit d’un réseau de plus de 50 partenaires actifs dans la lutte contre le choléra à l’échelle mondiale, qui réunit des établissements universitaires, des organisations non gouvernementales et des organismes du système des Nations Unies.
Par l’intermédiaire de ce groupe et avec l’appui des donateurs, l’OMS :
Pour renforcer l’appui apporté aux pays par le GTFCC, une plateforme de soutien aux pays a été mise en place en 2020. Hébergée par la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, celle-ci fournit un soutien opérationnel multisectoriel ainsi que les services de sensibilisation et de coordination et les orientations stratégiques dont les pays ont besoin pour élaborer, financer, mettre en œuvre et suivre leurs plans nationaux de lutte contre le choléra, en harmonie avec la Feuille de route mondiale.
Pour plus d’informations sur le Groupe spécial mondial de lutte contre le choléra et la plateforme de soutien aux pays, voir https://www.gtfcc.org/fr/ et https://www.gtfcc.org/news/ifrc-to-host-the-country-support-platform-of-the-global-task-force-on-cholera-control/.
En octobre 2017, les partenaires du Groupe spécial mondial de lutte contre le choléra ont lancé une stratégie intitulée « Ending Cholera: A global roadmap to 2030 » (Mettre fin au choléra : une feuille de route jusqu’à 2030). Dirigée par les pays, cette stratégie vise à faire baisser de 90 % le nombre des décès dus au choléra et à éliminer la maladie dans pas moins de 20 pays d’ici 2030.
La feuille de route mondiale comporte 3 axes stratégiques :
1. Une détection précoce et une riposte rapide pour endiguer les flambées : la stratégie met l’accent sur l’endiguement des flambées – où qu’elles surviennent – grâce à une détection précoce et à une riposte multisectorielle rapide, avec une participation communautaire, le renforcement de la surveillance et de la capacité de laboratoire, la préparation des systèmes de santé et des fournitures et l’appui aux équipes d’intervention rapide ;
2. Une approche multisectorielle ciblée pour éviter une résurgence du choléra : la stratégie invite les pays et les partenaires à mettre l’accent sur les « points chauds », ces zones relativement peu étendues les plus touchées par la maladie, où la transmission peut être interrompue notamment par une amélioration de l’approvisionnement en eau potable, des moyens d’assainissement et de l’hygiène ainsi que par l’administration du VCO ;
3. Un dispositif efficace de coordination couvrant l’appui technique, la sensibilisation, la mobilisation des ressources et le partenariat aux niveaux local et mondial. Le Groupe spécial offre un cadre solide pour aider les pays à intensifier leurs efforts de lutte contre le choléra en se fondant sur des programmes intersectoriels qu’ils dirigent eux-mêmes et en leur apportant les ressources humaines, techniques et financières nécessaires.
En mai 2018, la Soixante-et-Onzième Assemblée mondiale de la Santé a adopté une résolution visant à promouvoir la prévention et la lutte contre le choléra et à entériner le document intitulé « Ending Cholera: A global roadmap to 2030 ».
Kits contre le choléra
Pour garantir la bonne diffusion du matériel nécessaire à l’investigation et à la confirmation des flambées de choléra, ainsi qu’au traitement des patients atteints de la maladie, l’OMS a conçu plusieurs kits contre le choléra.
En 2016, après avoir consulté ses partenaires opérationnels, l’Organisation a revu les kits pour qu’ils correspondent mieux aux besoins sur le terrain. Il y a six kits au total :
Chaque kit de traitement contient suffisamment d’articles pour traiter 100 patients. Dans leur version revue, les kits sont conçus pour aider à la préparation en vue d’une flambée potentielle de choléra et contribuer à la riposte initiale au cours du premier mois.
1 Updated global burden of cholera in endemic countries.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4455997/
Ali M, Nelson AR, Lopez AL, Sack D. (2015). PLoS Negl Trop Dis 9(6) : e0003832. doi:10.1371/journal.pntd.0003832.
2 The incubation period of cholera: a systematic review.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23201968
Azman AS, Rudolph KE, Cummings DA, Lessler J. J Infect. 2013;66(5):432-8. doi: 10.1016/j.jinf.2012.11.013. PubMed PMID: 23201968; PubMed Central PMCID: PMC3677557.
3 Rapport annuel 2020 sur le choléra
https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/345271/WER9637-445-454-eng-fre.pdf
Relevé épidémiologique hebdomadaire N° 37, 11 septembre 2021, Vol. 96 (pp 445-460).
4 Vaccins anticholériques : note de synthèse de l’OMS – août 2017
http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/258764/1/WER9234-477-498.pdf
Relevé épidémiologique hebdomadaire N° 34, 25 août 2017, Vol. 92 (pp 477–500).
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