Entre Brest et Paris, une heure vingt de vol ; entre Quimper et Paris, une heure trente maximum. Même avec 45 minutes de trajet en moins, le TGV version LGV mettra toujours entre trois heures treize et quatre heures (le temps de trajet est variable selon les trains) pour relier les deux villes de la pointe bretonne à la capitale. Mais on sait bien que le voyageur, en organisant son déplacement, compare le « porte à porte ». Et il n’y a pas que la durée du déplacement qui compte : les tarifs, les services offerts, le confort, la praticité sont autant d’atouts qui font pencher la balance.
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L’avion pour qui ?
« Il n’y a qu’avec l’avion que l’on peut faire Brest-Paris aller-retour en une demi-journée », plaide Hélène Abraham, DGA de Hop !, la filiale d’Air France qui affrète neuf vols par jour vers les deux aéroports de la capitale. Elle avance également la politique tarifaire « à la baisse » côté avion, l’instauration d’une carte jeunes avec des prix d’appel dès 44 euros le trajet, et la volonté de ne plus faire de ce mode de transport celui des « happy few ». Les airs demeurent intéressants :
– Pour des personnes qui vivent non loin des aéroports de Brest-Guipavas ou Quimper-Pluguffan, qui peuvent facilement y garer leur voiture, ou ont les moyens de prévoir un budget taxi ou navette.
– Pour les personnes qui peuvent acheter un aller-retour toujours plus cher que le train : en cette fin juin, si l’on planifiait un voyage pour Paris pour le 4 septembre, on trouvait encore des tarifs avantageux, notamment au départ de Quimper (à partir de 55 euros l’aller, 139 euros depuis Brest). Mais si l’on s’y prenait à la dernière minute, on approchait plutôt les 650 euros aller-retour.
– Pour les personnes dont le temps est plus précieux que l’argent, et qui peuvent travailler depuis leur téléphone mobile, sans que les multiples formalités de l’avion ne les dérangent, parce qu’elles sont peu propices à de longues sessions de travail.
– Pour ceux qui n’ont pas forcément besoin de se rendre dans le centre de Paris, ou ont un moyen fiable et confortable de le rallier : c’est le gros point noir de l’avion. Le taxi depuis Orly ou Roissy est cher et peut subir les aléas du trafic. Le RER n’est pas toujours fiable et, aux heures de pointe, il est souvent bondé.
Le train pour qui ?
« Notre véritable concurrent, ce n’est pas l’avion mais la voiture », tempère Thierry Chaplais, pour la SNCF Bretagne, tout en vantant les mérites du rail face aux airs. « Nous avons doublé le nombre de petits prix, huit voyageurs sur dix bénéficient de réductions. Après, chacun doit être en mesure de trouver une offre qui corresponde à ses priorités et, pour une même personne, elles peuvent varier selon la situation. »
Le rail se présente donc comme compétitif :
– Pour les personnes qui vivent en centre-ville, non loin des gares de Brest ou Quimper.
– Pour celles et ceux qui ont un budget plus serré ou qui bénéficient de tarifs réduits.
– Pour pouvoir travailler ou se reposer. C’est l’énorme avantage du train, notamment en première classe : les trois heures et demie de trajet peuvent être réellement mises à profit. « En train, la clientèle business peut téléphoner, rester connecter à Internet », avance Thierry Chaplais.
– Pour ceux qui veulent avoir beaucoup de choix dans leurs horaires de retour : un train par heure à partir de 16 h 56, jusqu’à 19 h 56, ce qui permet un retour à Brest ou Quimper, au plus tard, à minuit moins le quart.
Dans les deux cas
Niveau prix, les mieux lotis seront toujours ceux qui pourront planifier leur trajet le plus tôt possible. Et de ce point de vue-là, c’est l’avion qui l’emporte : « Nos vols sont disponibles un an à l’avance, contre trois mois seulement à la SNCF », argumente Hélène Abraham. Reste à savoir ce que vous ferez le 2 juillet 2018…
Pour l’aéroport de Rennes, le cap des 700.000 passagers sera atteint en 2017. Son directeur est même persuadé que la LGV participera à la bonne dynamique de l’aérien.
Le cap des 600.000 passagers atteint pour la première fois en 2016. Un trafic en hausse de 18,8 %. De très bonnes perspectives pour 2017. L’aéroport de Rennes est dans une très bonne phase.
Doit-il pour autant craindre un retournement de conjoncture avec l’ouverture de la LGV, qui viendrait mordre sur son marché à destination ou en provenance de Paris ? Pas du tout, selon Gilles Tellier, directeur des aéroports de Rennes et Dinard. « Il n’y a pas d’opposition entre le train et l’aérien, mais une complémentarité. L’aéroport de Rennes profite de l’effet de notoriété et du changement de dimension de la métropole. L’effet LGV va accélérer le processus. »
Aujourd’hui, Air France dessert Roissy Charles-de-Gaulle trois fois par jour depuis Rennes. Et, selon Gilles Tellier, la SNCF n’a pas prévu de renforcer ses TGV à destination de l’aéroport parisien depuis la capitale bretonne, ce qui constituerait alors une plus forte concurrence pour les avions. Bien au contraire. « Avec la multiplication des trains sur la ligne Le Mans-Paris, les liaisons vers Charles-de-Gaulle n’augmenteront pas. Vu le trafic, ils sont obligés de faire des choix », explique-t-il.
Parallèlement, le patron de l’aéroport souligne que la plate-forme rennaise est avant tout utilisée pour l’international, via le hub de Roissy. Et pas pour Paris en tant que telle. « Notre axe n’est pas de desservir Paris au départ de Rennes mais le monde. 87 % des voyageurs qui partent de Rennes vers Roissy ont une correspondance. On n’a donc pas de craintes, si ce n’est de voir plus de passagers sur la ligne aérienne du fait de la notoriété grandissante de Rennes en Europe. »
Avec ses 28 destinations servies en direct, dont 11 vers la France, l’aéroport de Rennes compte bien poursuivre sur sa lancée. Pour 2017, « on est sur une tendance de croissance de passagers de 10 %. On peut espérer dépasser les 700.000 », avance Gilles Tellier.
Reste désormais une inconnue. S’il sort un jour de terre, l’aéroport du Grand Ouest, à Notre-Dame-des-Landes, ne risque-t-il pas de venir fragiliser Rennes ? « Depuis l’origine, je l’ai intégré dans nos futurs plans de charge. Et je rappelle que ce n’est ni plus ni moins que le déménagement de Nantes Atlantique, qui dépasse déjà les cinq millions de passagers. On ne boxe pas dans la même catégorie. Nous, on amène une dynamique de proximité. On n’est pas en opposition mais en addition. »
Bref, TGV en une heure vingt-cinq ou nouvel aéroport, rien ne semble faire trembler le directeur qui, en tant que Rennais, estime que la LGV est « une excellente nouvelle pour le territoire ».
Depuis 20 ans, Eric Dupuis, cadre dans un grand groupe, emprunte le TGV plusieurs fois par semaine entre Rennes et Paris. Avec l’arrivée de la LGV, le trajet durera 1h25 au lieu de deux heures précédemment.
Alors que la SNCF célèbre, ce week-end, l’ouverture de la LGV entre Rennes et Paris, Éric Dupuis pourra, lui aussi, fêter un événement lié au rail. Cela fait désormais vingt ans que ce cadre du groupe Orange pratique très régulièrement le TGV entre les deux villes. Autant dire que le gain de trente minutes promis, à partir d’aujourd’hui, aura forcément un impact sur sa vie professionnelle comme personnelle.
« Quand j’ai été recruté chez Orange, c’était pour un poste à dimension nationale. J’allais alors trois ou quatre fois par semaine à Paris », raconte cet habitant de Vern-sur-Seiche, en périphérie de Rennes. Aujourd’hui, c’est plutôt de l’ordre d’une à deux fois. « Mais, à partir de septembre, je vais être obligé d’y aller plus souvent à nouveau. »
Lève-tôt par nécessité, il a pris l’habitude de grimper dans le train de 6 h 05. « Le premier part à 5 h 30 mais il arrive dix minutes seulement avant le second. Le gain n’est pas énorme et celui de 6 h est direct. » Pas d’arrêt au Mans, « vous êtes tranquille, vous pouvez somnoler sans être dérangé. Et puis vous avez plus de latitude pour trouver la meilleure place », sourit le détenteur d’une carte grand voyageur, habitué de la seconde classe.
Intervenant pour des conférences, Éric Dupuis profite du trajet pour écrire ses textes. « C’est un moment tranquille. Je mets généralement des bouchons d’oreilles pour me couper de l’environnement. »
Globalement, il est satisfait du service rendu. « Comme je le prends souvent, je ne trouve pas qu’il y ait tant de retards que cela, ramené à une année. Mais quand il l’est, il l’est vraiment ! »
Au gré de ses voyages, le salarié fait de nombreuses rencontres professionnelles dans le TGV. « C’est un lieu d’échanges, surtout pour les gens travaillant dans les technologies, nombreux à Rennes. » Lieu de tous les réseaux : la voiture bar ! « Une rencontre impromptue sur le quai avant d’embarquer et le voyage se passe autour d’un café. Ce sont des moments privilégiés. On ne fait pas de business mais c’est une occasion de faire passer des messages. »
Le trajet en une heure vingt-cinq plutôt que deux heures ? « Oui, ce sera mieux mais tout dépendra des horaires », témoigne le voyageur, pas vraiment rassuré par les premières informations sur le sujet. « J’ai cru comprendre que la SNCF reculait l’un des premiers TGV directs. Cela me fera arriver à la même heure. Si j’arrivais plus tôt, cela me permettrait, par exemple, d’aller plus loin dans Paris. »
Autre motif d’interrogation : le tarif. « D’après mes calculs, ce sera 6 euros de plus par trajet. Même si j’ai un abonnement “fréquence”, cela ferait une augmentation supérieure à 10 %. Ça fait beaucoup si c’est vraiment le cas. » Enfin, casse-tête toujours en cours, le stationnement quand il arrive de Vern-sur-Seiche. « Mon gros problème, c’est de me garer. J’avais un abonnement gare mais ils ont cassé tous les parkings avec les travaux. » Sur ce point, Éric Dupuis devra prendra son mal en patience. Le chantier gare en a encore pour plusieurs mois.