Florence Peybernès – Vincent Reynier Le H3C et les CAC, un dialogue de haute voltige – Affiches Parisiennes

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EntrepriseChiffre Publié le , Propos recueillis par Boris STOYKOV
Affiches Parisiennes : Florence Peybernès, pourriez-vous décrire la mission de votre organisme et votre rôle ?
Florence Peybernès : Le Haut conseil au commissariat aux comptes a été créé par une loi entrée en vigueur en 2003. Il aura donc 20 ans l’année prochaine. Nous allons fêter cela. Le H3C est le régulateur de la profession de commissaire aux comptes en France. Sa mission est multiple et fixée par le code de commerce. Elle résulte d’une directive européenne – tous les États membres ont un régulateur en matière d’audit –. C’est une profession qui est chargée de l’intérêt général, pour que chacun (actionnaires, clients, etc.) ait confiance dans les comptes publiés par les entreprises – les comptes étant certifiés par les commissaires aux comptes, ou pas –. Etant chargés de cette mission fondamentale pour l’économie française, il est nécessaire qu’ils aient un régulateur solide, à qui la loi a octroyé des missions.
Le H3C est une autorité publique indépendante. Il procède notamment à l’amélioration ou la création des normes d’exercice professionnel des commissaires aux comptes. Ces normes, inscrites dans le Code de commerce, leur indiquent de quelle manière ils doivent s’y prendre pour réaliser l’audit des comptes des entreprises.
Le Haut Conseil est également chargé de contrôler l’activité des commissaires aux comptes, mais seulement en ce qui concerne la certification des comptes. Il dispose donc d’une vingtaine de contrôleurs salariés, qui, régulièrement, se rendent dans les cabinets d’audit, regardent leur dossier d’audit et examinent la manière dont ils vont procéder à leur mission de certification des comptes.
Ensuite, il faut préciser que le Haut Conseil procède au contrôle des cabinets les plus importants (ceux qui ont des activités dans EIP dans leur mandat). Les autres structures sont contrôlées, en grande partie, par des commissaires aux comptes délégués, dans les différentes compagnies régionales. La profession se contrôle elle-même dans ce cas de figure. Les résultats des contrôles nous remontent lorsqu’ils ne sont pas satisfaisants.
Troisième mission, nous avons un service qui enquête sur les cabinets de commissaires aux comptes ou les commissaires aux comptes personnes physiques, lorsque le contrôle est très défaillant, ou lorsque nous sommes alertés par la presse, par des lanceurs d’alerte ou par des autorités qui ont le pouvoir de demander le déclenchement d’une enquête sur un commissaire aux comptes. Je pense notamment à l’Autorité des marchés financiers, à la Cour des comptes et à l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution).
Au-delà, nous avons, un service dit de jugement, appelé formation restreinte. Elle se prononce pour savoir si, effectivement, des manquements déontologiques ont été constatés par le service des enquêtes et prononce des sanctions de nature disciplinaire. La loi, dans son dernier état, a prévu que ces sanctions puissent aller d’un simple avertissement, jusqu’à une interdiction définitive d’exercer la profession de commissaires aux comptes, en passant par des sanctions financières au profit du Trésor public.
Enfin, le Haut Conseil a une mission assez importante à l’international, qui consiste à coopérer avec les autres organes équivalents, soit au niveau européen, soit au-delà, puisque toutes les grandes économies ont évidemment un régulateur de cette nature, indépendant de la profession, qui exerce les mêmes missions que le conseil, avec des variantes d’un État à l’autre. Mais la coopération entre nous est essentielle. Souvent, les entreprises ont une dimension internationale et il est important qu’il y ait une bonne coordination, à la fois dans les normes d’exercice professionnel – qui doivent varier le moins possible d’un État à l’autre –, puisqu’un même commissaire aux comptes peut être amené à certifier des comptes de structures économiques internationales –, et à la fois dans les modalités de contrôle, voire de sanctions. Même s’il y a des variations d’un État à l’autre, plus le temps passe, plus il y a convergence.
A.-P. : Vincent Reynier, comment s’inscrit votre collaboration avec le H3C ?
Vincent Reynier. : Comme l’a rappelé Mme la présidente Peybernès, le H3C va fêter son 20e anniversaire. Nous nous sommes habitués à vivre ensemble, ce qui a permis d’instaurer un dialogue sincère et essentiel. Et en tant que président de la CRCC, je m’en félicite.
Le dialogue est engagé entre les régions et le H3C, il n’a pas été monopolisé par la CNCC. car vous avez la volonté d’aller vers les CRCC, de rencontrer leurs représentants, d’assister à leurs assemblées générales et donc de rencontrer les confrères. Aussi, nous avons appris à faire plus que cohabiter, je dirais, à travailler ensemble. Bien évidemment, nous n’avons pas le même rôle : en tant que compagnie régionale, je représente et défends les confrères, ce qui, bien évidemment, crée des débats. Nous en avons en ce moment sur les nouvelles normes de déontologie, puisque nous avons eu un échange avec le H3C qui n’a pas encore complètement abouti sur un accord, ni sur une nouvelle norme. Mais cela fait partie des relations normales.
En tant que compagnies régionales, nous avons des demandes particulières et des spécificités. Je me réjouis notamment de la réactivité du H3C concernant l’espace Luca, que nous avons mis en place à Paris. Il permet aux jeunes commissaires aux comptes en particulier, d’avoir une adresse et de cohabiter avec des experts-comptables, avec des règles qui, bien évidemment, respectent le code de déontologie.
Nous pouvons aussi avoir des débats sur des aspects particuliers, disciplinaires, pour tel ou tel ou tel cas que l’on soumet au H3C, ou sur la formation, qui sont importants et permettent de faire avancer les choses. Le conseil régional prête une oreille attentive au ressenti du terrain, puisque nous sommes en prise directe avec les consœurs et les confrères. Peut-être que si le H3C n’avait pas ces capteurs, il pourrait être parfois quelque peu éloigné des réalités pratiques que nous rencontrons.
F. P. : Je me déplace beaucoup en région évidemment, y compris à l’Outre-mer, où l’exercice est spécifique et les professionnels ont souvent besoin de l’appui de leur régulateur. Et je suis très attachée à la convention de délégation de la formation des contrôles d’activités. Je pense que c’est justement une façon de renforcer les liens entre le régulateur et les commissaires aux comptes. Il s’agit de la vision que le régulateur a de la qualité de l’audit et de la manière dont nous attendons que les commissaires s’acquittent de leurs missions légales. Et justement, il y a près de 450 commissaires aux comptes en exercice qui ont reçu délégation pour faire ces contrôles d’activité. Ils font entre 900 et 950 contrôles par an. C’est de loin le plus grand nombre de contrôles qui sont effectués, sous la houlette des compagnies régionales, qui sont très actives dans ce chaînage très important. C’est pour nous aussi, justement, encore un autre moyen de ne pas se couper de la profession et de continuer à dialoguer avec elle. Parce que c’est tout de même le collège qui détermine les modalités de contrôle et les points sur lesquels les contrôles vont porter année après année. Il y a quelques changements d’une année sur l’autre. C’est effectivement par le Haut Conseil que passent les formations destinées à ces contrôleurs délégués pour que leurs rapports soient efficaces et ensuite par le collège dans sa partie formation statuant les cas individuels, pour savoir quelles suites seront données au contrôle.
Finalement, il s’agit d’un flux montant et descendant d’information entre les commissaires aux comptes en régions, toujours en exercice, et le régulateur. J’y suis très attachée. C’est vraiment qualitatif et cela profite à tout le monde. La profession n’a de toute façon pas intérêt à conserver, sans amélioration, des confrères qui ne se sont pas suffisamment emparés de leurs normes. C’est une profession qui a un très haut niveau d’exigence avec elle-même.
A.-P. : Concernant la formation, c’est l’une de vos priorités, ainsi que pour la CRCC de Paris. Comment jugez-vous les obligations des commissaires aux comptes pour les formations ? Est-ce qu’il faut les renforcer ?
F. P. : C’est la loi qui fixe le niveau de formation. Les CAC ont l’obligation d’accomplir 120 heures sur trois années, réparties comme ils le souhaitent. Le décret précise s’il s’agit de formations sous forme de colloques ou de cours particuliers sur des sujets très techniques. Je n’ai pas de regard à porter sur ces sujets. C’est un choix du législateur. C’est à la profession, si elle le souhaite, de demander au législateur une simplification. Mais je pense qu’il ne serait pas pertinent de la raccourcir. Comme je l’ai dit, les CAC exercent une profession complexe. D’abord du point de vue de leur responsabilité vis-à-vis de la certification des comptes, mais surtout parce qu’ils s’adressent à des entités extrêmement variées et sont soumises à des règles comptables très changeantes et très diverses. Ils peuvent être chargés de certifier les comptes d’une association, qui ne tient pas la comptabilité comme une société commerciale, ou comme un hôpital, qui est encore très différent – y compris d’ailleurs dans son bilan. Les règles comptables changent tout le temps, les règles fiscales aussi. Il n’est donc pas possible d’être un bon CAC sans mettre à jour en permanence ses connaissances.
C’est le cas de toute profession d’une une telle complexité, avec en premier lieu les magistrats de l’ordre judiciaire, qui ont une obligation de formation de cinq jours par an. J’ai donc forcément regretté, lorsque j’ai pris mes fonctions l’année dernière, en lisant le rapport rédigé par la CNCC, de constater qu’il n’y avait que 40 % des commissaires aux comptes qui certifiaient des comptes qui suivaient leur obligation de formation professionnelle. Ce chiffre est d’ailleurs en diminution. C’est contraire à leurs obligations professionnelles. C’est contraire à leur déontologie. Le commissaire aux comptes ne doit pas pouvoir accepter un mandat s’il ne dispose pas des compétences pour le faire.
La mission du régulateur est de rappeler à la profession ses obligations et de lui demander de se reprendre sur ce point. Alors, qu’avons-nous fait ? D’abord, nous avons communiqué conjointement avec le président de la compagnie nationale pour expliquer aux professionnels qu’il fallait obligatoirement se former. Nous l’avons publié, signé et rédigé ensemble en octobre 2021.
J’attends le rapport que doit me rendre la compagnie nationale pour l’exercice 2021. Il m’est promis pour les premiers jours de septembre. Je ne crois pas, de ce que j’ai entendu, que les chiffres soient notablement modifiés. On devrait augmenter de quelques pourcents les commissaires aux comptes à jour de leur obligation, mais ce n’est pas encore satisfaisant. Je ne souhaiterais pas envoyer un CAC devant la formation restreinte disciplinaire pour le non suivi de ses obligations de formation. Il s’agit vraiment d’une procédure disciplinaire extrêmement lourde et traumatisante pour le commissaire aux comptes. Les CAC sont en outre très nombreux à ne pas le faire et on se retrouverait avec des centaines de commissaires aux comptes à la formation restreinte disciplinaire, ce qui n’est pas pertinent.
Je vais donc probablement demander au ministère de la Justice d’envisager une modification du code de commerce, ce qui pourrait permettre au Haut Conseil d’infliger une amende au profit du Trésor public. On appelle cela une composition administrative pour les autorités administratives indépendantes (AAI) et pas une amende. Le Haut Conseil est une autorité publique indépendante qui ne dispose pas de ce pouvoir, à l’inverse d’autres autorités.
Quel est mon but ? Évidemment pas d’enrichir le Trésor public, mais d’être dissuasive. Je ne vise pas ceux qui n’ont que quelques heures à rattraper, mais ceux qui sont vraiment à 0 ou 10 heures sur trois ans. L’idée, c’est de les convaincre de cesser de négliger cette obligation professionnelle. J’espère pouvoir les convaincre, sans en arriver à la procédure qui comprend une amende à récupérer pour le Trésor public. D’autant que la compagnie nationale et d’autres compagnies régionales proposent vraiment des panels de formation très adaptées sur des questions très techniques de comptabilité, de fiscalité, de développement de leur propre cabinet, de nouveaux outils d’audit ou de gestion. L’offre de formation est très riche et souvent gratuite comme aux Universités d’été 2022.
A.-P. : Vincent Reynier, quelle est l’action de la CRCC de Paris ? On sait que vous avez effectivement une large palette de formations mais comment vous allez pousser les confrères à respecter leur obligation de formation ?
V. R. : Je dirais tout d’abord que, bien évidemment, je souscris tout à fait aux propos de madame la présidente sur la nécessité pour une profession comme la nôtre d’avoir un haut niveau de formation. Comme vous l’avez rappelé, madame la présidente, les magistrats ont l’obligation de faire cinq journées par an. Si on fait des journées de 8 heures, on a les mêmes obligations, on retrouve bien les 120 heures sur 3 ans. Je pense que parmi les professions libérales, notre profession est celle qui a l’exigence la plus élevée. En outre, les autres professions libérales n’ont pas un régulateur pour les rappeler à leurs obligations.
Au-delà, les commissaires aux comptes ont une obligation déclarative et des obligations quantitatives. Sur le déclaratif, nous nous améliorons énormément. Selon les chiffres de la Compagnie de Paris, au 4 juillet, 88 % des confrères avaient rempli leurs obligations déclaratives. L’année dernière, à la fin de l’année, ce chiffre était de 91 %. Je pense donc que cette année, nous allons bien évidemment dépasser ce chiffre. Sur le quantitatif, c’est le respect des obligations triennales qui pose un problème : près de la moitié de nos membres ne les ont pas respectées. Il peut y avoir des cas spécifiques, il faut aussi regarder de près (maladie, etc.). Et il faut noter que ces chiffres intègrent la période de la crise sanitaire et sont donc tout de même minorés.
Néanmoins, un commissaire aux comptes sur deux n’a pas rempli cette obligation triennale, le constat n’est pas satisfaisant. Alors, que met en place la CRCC de Paris pour ses membres ? De nombreuses actions sont mises en œuvre car pour moi, l’enjeu de la formation est véritablement un enjeu local et non national. C’est par le biais des compagnies régionales que l’on forme les professionnels, même s’il y a une action qui est faite au niveau national et qui peut aider telle ou telle compagnie.
Nous allons cette année proposer aux consœurs et confrères plus de 80 heures de formation dont la plupart sont gratuites. On dépasse de loin les quotas. Le catalogue est, je pense, très qualitatif et le choix relativement adapté.
Au-delà des contrôles menés par la compagnie de Paris par le pôle de contrôle d’activité non-EIP, nous relançons systématiquement les professionnels qui n’ont pas respecté leurs obligations de déclaration et qui n’ont pas leur quota. L’idée est de bien faire comprendre l’importance de se former et de sensibiliser les commissaires aux comptes. Les consœurs et les confrères qui n’ont pas respecté a minima leurs obligations de 20 heures annuelles seront prochainement contactés par téléphone.
Cette année, dans les 80 heures de formation, dont la journée de formation gratuite qui s’est tenue le 5 juillet, nous organisons du 28 octobre au 4 novembre prochain 20 heures de formation intensive sur une semaine à Saint-Martin, aux Antilles. Cela permettra aussi à nos consœurs et confrères antillais de nous rejoindre pour se former et compléter si besoin leur quota. Les ultramarins ont aussi des difficultés pour pouvoir suivre des formations de qualité et variées. Nous leur offrons aussi ce catalogue. Je me félicite de la participation du H3C et de Mme la présidente à une de ces séances de formation, entre autres sur le contrôle d’activité, sur les points d’attention à retenir.
Par ailleurs, vous le savez, le diplôme est commun pour l’expertise-comptable et le commissariat aux comptes, avec une partie obligatoire sur le commissariat aux comptes pour les stagiaires. L’Ordre des experts-comptables qui régit le stage sollicite toujours l’avis des présidents de compagnies régionales sur le respect du quota du maître de stage au niveau des formations. S’ils n’ont pas suivi leur formation, nous ne devons pas accorder cette autorisation d’accueillir des stagiaires. Il y a eu une dérogation durant la crise sanitaire. Nous pointerons ceux qui n’ont pas respecté leurs engagements afin qu’ils se mettent rapidement en conformité, le risque étant qu’ils ne puissent plus à l’avenir accueillir de stagiaires dans leur cabinet.
Sans remettre obligatoirement en question le quota fixé par la loi et non par le H3C, je souhaiterais aborder un aspect beaucoup plus qualitatif, qui n’existe pas aujourd’hui. Nous avons parlé de déclaratif, de quantitatif. J’aimerais aussi que les formations soient qualitatives, c’est-à-dire adaptées aux travaux des commissaires aux comptes. Il y a peut-être un arbitrage à faire entre les parties un peu plus générales (conférences, etc.) et celles qui seraient véritablement adaptées à leurs missions. Nous pourrions envisager qu’un même CAC ne suive pas les mêmes formations chaque année pour accéder à un certain type de missions.
A.-P. : Il y avait aussi le grand événement des Universités d’été, des commissaires aux comptes et des experts-comptables le 6, le 7 et le 8 septembre. Pouvez-vous nous dire quelques mots de cet évènement gratuit ?
V. R. : Oui, dans les 80 heures que j’évoquais, nous avons treize ateliers de CAC. Celui qui veut faire ses 20 h déjà obligatoires est déjà au-dessus puisque la plupart des ateliers durent 1h30. Et ces derniers bien évidemment, sont homologués CAC120. Il s’agit d’un événement totalement gratuit, d’envergure, avec des parties techniques ou coanimées par les commissaires aux comptes du ressort de la CRCC Paris et ceux de Versailles et du Centre, puisque nous tenions l’évènement de manière paritaire en tant que co-organisateurs.
En outre, madame la Présidente nous a fait l’honneur d’assister à notre Assemblée générale, puisque nous avons profité des universités d’été pour tenir notre Assemblée générale au Palais des Congrès, le 7 septembre.
A.-P. : S’agissant de votre vision de la réforme européenne de l’audit, quels sont vos espoirs, vos contraintes, concernant notamment la clause de revoyure de la réforme ?
F. P. : Effectivement, Mairead McGuinness, notre commissaire européenne chargée de ces sujets, a indiqué le 27 mai 2021, qu’elle souhaitait s’engager dans la révision des textes européens qui régissent la profession des commissaires aux comptes. Cela faisait suite aux scandales qui ont éclaté au Royaume-Uni et en Allemagne, où l’on s’est rendu compte que les comptes des entreprises très importantes présentaient des insuffisances, voire des inexactitudes, voire des tromperies tout de même très importantes également, qui ont d’ailleurs été la source de préjudices extrêmement importants des petits porteurs (il s’agissait de sociétés cotées), sans compter les créanciers et autres fournisseurs. Tout cela a donc conduit Mme McGuinness à revoir la directive européenne qui date de 2016 et à entamer une consultation sous la forme d’un questionnaire, qui a été adressé à tous ceux qui avaient l’intention d’y répondre. Le Haut Conseil a bien sûr pris sa plume, comme l’a fait la profession. Quand on regarde les chiffres, c’est essentiellement les parties prenantes françaises qui ont été les plus prolixes sur ce sujet. D’autres États se sont moins impliqués.
Toujours est-il nous avons obtenus les résultats du questionnaire il y a peu. Et aussi l’indication que, avec les travaux de la directive CSRD qui a trait aux obligations de publication d’information non-financière des entreprises et à la manière dont elles seront auditées ensuite et certifiées ou pas, cela faisait quand même beaucoup de temps de travail pour la Commission européenne. Nous avons alors commencé à entendre que cette réforme européenne de l’audit n’était plus si urgente que cela et qu’elle pourrait ne pas voir le jour sous le mandat actuel de la Commission. C’est que nous pensons est que le modèle français du co-commissariat aux comptes doit être étendu de façon obligatoire au niveau européen pour les plus grandes entités, c’est-à-dire celles dont les comptes sont extrêmement complexes à auditer, ou encore les entreprises qui ont une dimension systémique.
Nous pensons qu’il s’agit d’ailleurs d’une manière de stimuler la concurrence sur le marché de l’audit européen, dont la situation est tout de même assez inquiétante. Il y a en tout cas bien des Etats qui ne connaissent pas de diversité suffisante des opérateurs de l’audit sur leur marché. Ce qui est tout de même sujet à interrogation, compte tenu du fait que le marché européen est d’abord fondé sur la concurrence, la libre circulation des marchandises, des biens et des personnes. Et que se retrouver avec des marchés nationaux n’ayant que quatre opérateurs pouvant intervenir sur la plupart des grandes entreprises n’est pas un signe de bon fonctionnement de ce marché.
Nous pensons donc que le co-commissariat aux comptes est un moyen efficace de faire entrer sur ce marché des opérateurs de taille intermédiaire, qui peuvent, au fil des années, dans le co-commissariat aux comptes, prendre des mandats plus importants, renforcer leurs équipes, renforcer leurs compétences, de façon à justement permettre aux entreprises d’avoir un choix diversifié de commissaires aux comptes.
Ce que nous avons ainsi indiqué comme devant être inclus dans la réforme si elle a lieu, c’est de réduire le nombre des options laissées aux Etats leur permettant de déroger à certaines règles européennes. J’ai en tête l’option qui permettait à certains États d’exclure la présence de comités d’audit à l’intérieur des organes de gouvernance des entités. C’est une option qu’a levé l’Allemagne et, sans surprise, la société Wirecard, dans laquelle le scandale a été le plus important en 2020, était justement une société qui n’avait pas de comité d’audit (cette entreprise de technologies et services financiers allemande a déposé le bilan en juin 2020, après avoir reconnu une fraude massive sur ses comptes, à hauteur de 25 % de son bilan, N.D.L.R.).
Nous pensons aussi qu’il faut renforcer les pouvoirs d’enquête et de sanction des autorités nationales et qu’il faut assurer, sans que nous sachions très bien comment – ce n’est pas si simple que cela –, une plus grande transparence des résultats de leurs contrôles. Ce que nous avons constaté, c’est qu’en réalité, d’un régulateur à l’autre, les choses sont extrêmement variées dans les pratiques nationales. Est-ce que l’on publie ou est-ce que l’on ne publie pas ? Comment évalue-t-on ? Comment note-t-on, entre guillemets, un rapport ? Chaque régulateur européen a ses propres règles, ce qui ne permet pas une harmonisation. Surtout, il n’est pas possible de comparer deux régulateurs, qui peuvent pourtant avoir à contrôler la même structure.
Nous avons aussi demandé le renforcement des pouvoirs du CEAOB. Cette institution européenne regroupe l’ensemble des régulateurs de l’audit en Europe. Pour l’instant, c’est un ancien commissaire aux comptes et collaborateur du Haut Conseil qui sont à sa tête. Et nous pensons qu’il faudrait lui permettre d’avoir davantage de pouvoir en ce qui concerne la normalisation européenne des règles d’audit, puisque nous n’y sommes pas encore parvenus. Sans renforcer les pouvoirs du CEAOB, nous ne voyons pas très bien comment cela pourrait arriver.
Quoi qu’il en soit, nous sommes très allants sur la coopération internationale. Nous avons organisé une journée européenne, le Joint Audit Day, fin 2021. Nous avons accueilli plus de 200 représentants sur place et à distance de commissaires aux comptes, d’universitaires, de régulateurs étrangers et d’autorités publiques. L’idée, c’est d’échanger nos questionnements, nos pratiques, et d’essayer de réfléchir ensemble, peut-être avec des relations bilatérales, sur ce qui est ce qui peut être amélioré.
A.-P. : Et de votre côté, Vincent Reynier, qu’en pensez-vous ? Cela se pourrait se traduire par de nouvelles contraintes ?
V. R. : Je reste par nature très vigilant sur une réforme européenne de l’audit. Si, en effet, elle est repoussée, la pression sera peut-être moins forte. Mais le diable est dans les détails. On parle de Joint Audit… Je suis bien évidemment un fervent défenseur et partisan du co-commissariat. Mais le risque, peut-être, s’il est appliqué dans tous les pays, c’est qu’il y ait un effet de seuil (alors qu’en France, pour les comptes consolidés, l’un des critères est de réaliser un chiffre d’affaires supérieur à 48 millions d’euros) et que l’on nous impose brutalement un seuil beaucoup plus élevé, faisant que la France serait quelque peu dépouillée de ce qui fait sa force en matière de co-commissariat aux comptes. Nous serons donc très vigilants sur ces points et sur les effets de seuil.
Je sais également qu’il y a eu des attaques relativement directes sur la limite d’audit d’une même entité qui est de 24 ans. Cela nous renvoie aussi aux appels d’offres. C’est quelque chose qui est à double tranchant. D’une part, parce que souvent, dans les appels d’offres, on demande des références que seuls quelques cabinets ont. Donc on élimine d’office une partie des challengers. C’est le premier risque.
Le deuxième, c’est le risque, du côté des plus grandes structures, de contourner quelque peu les règles des appels d’offres. Nous avons un code de déontologie qui s’applique. Il y a quand même beaucoup de règles communes en Europe à ce niveau, notamment concernant l’indépendance. J’y suis éminemment attaché. Elle fait partie intrinsèque de notre ADN de commissaires aux comptes.
On ne peut pas être, en même temps, conseil et auditeur. Je vois d’un œil relativement sceptique les annonces des plus grands sur la scission de l’audit et du conseil. Je me demande si ce n’est pas une stratégie pour contourner les appels d’offres et pouvoir, lorsque la limite des 24 ans est atteinte, dire “on va pouvoir devenir auditeur, alors qu’on est le plus gros fournisseur de conseil des entreprises“.
Ce sont des points qui m’interpellent énormément. Nous avons mobilisé des forces au niveau de la compagnie. Nous avons répondu bien évidemment au questionnaire. Je me suis exprimé plusieurs fois sur des divergences de position avec la compagnie nationale. Entre autres, sur le “joint audit“. Je resterai très vigilant, et nous allons continuer ce travail de vigie. S’il faut également agir à Bruxelles, nous le ferons. Nous mobiliserons toutes nos forces pour sauver cette spécificité et surtout préserver la pluralité du marché de l’audit en France et comme vous l’avez dit, l’émergence de challengers, de structures qui sont tout à fait capables d’auditer des entreprises de grande taille.
Bien évidemment, les cabinets de plus petite taille n’ont pas les structures pour auditer des sociétés de taille internationale. Mais il y a plusieurs acteurs en France qui ont des réseaux et sont équipés pour le faire. Il faut, bien évidemment, toujours dans le cadre de la déconcentration, favoriser cette émergence.
F. P. : La spécificité du marché français, c’est que nous ne limitons pas le nombre des commissaires aux comptes qui certifient les comptes du CAC 40 aux quatre principaux acteurs du marché. Il y en a désormais six sur le marché français qui sont auditeurs de comptes du CAC 40. C’est déjà un signe que le marché français est moins contraint que nos principaux voisins et le H3C est très attaché à cela. Mais c’est aussi entre les mains des entreprises. C’est-à-dire que finalement, celui qui choisit le commissaire aux comptes, c’est bien l’entreprise, avec un processus d’appel d’offres qui est validé in fine par l’assemblée générale. Quand je m’adresse aux comités d’audit, je leur dis “il est entre vos mains de mettre en place à l’intérieur de vos fonctionnements des procédures d’appels d’offres évidemment publiques, qui permettent à plusieurs acteurs de soumissionner et de ne pas considérer d’avance que vous avez choisi votre auditeur et de ne pas considérer non plus que des cabinets ou des structures plus petites ne sont pas en mesure de remplir la mission en légale dans le cadre d’un co-commissariat aux comptes“. Puisqu’évidemment, dans ce cadre, il y a toujours deux commissaires aux comptes.
En outre, cela permet à l’entité d’avoir justement deux professionnels qui n’ont pas les mêmes compétences, pas les mêmes domaines d’excellence, ce qui diversifie les services qu’ils peuvent offrir à leurs clients dans le cadre de la certification des comptes. C’est entre leurs mains d’aider à la déconcentration du marché. Faute de quoi on aboutira assez vite à ce que ce soit toujours les mêmes noms et toujours les mêmes sujets et toujours les mêmes intervenants. Le Haut Conseil affirme, parce qu’il l’a vérifié, que d’autres structures ont les compétences pour réaliser un excellent travail.
A.-P. : La durée des mandats des CAC est de six ans pour les établissements d’intérêt public, dix ans pour les entités qui ont un seul commissaire aux comptes. Or, cette durée peut être prolongée de six ans en cas d’appel d’offres, ce qui revient à un mandat de 16 ans. Lorsqu’il y a un collège de CAC, on peut arriver à des mandats qui cumulés, atteignent 24 ans. N’est-ce pas un peu trop long ?
F. P. : Il y a d’autres États dans lesquels la durée du mandat du commissaire aux comptes est annualisée, par exemple, en Allemagne. La conséquence, c’est que le mandat ne s’arrête pas, puisque l’on ne change pas de commissaire aux comptes. On le renouvelle chaque année.
Ce que nous, nous disons, c’est qu’il faut préserver l’indépendance du commissaire aux comptes. Un commissaire aux comptes qui doit voir son mandat éventuellement supprimé tous les ans ne peut pas être complètement indépendant de l’entité dont il certifie les comptes. Parce que, justement, il ne sait pas si l’année suivante il va être renouvelé.
Cela pose aussi une autre difficulté. Une des principales missions du commissaire aux comptes, c’est de prendre connaissance de l’entité lorsqu’il prend pour la première fois, le mandat. La réglementation est très précise. Et cette prise de connaissance de l’entité va déterminer toute sa démarche d’audit. En effet, c’est en prenant connaissance de l’entité qu’il va cartographier les risques éventuels de l’entité et donc, en fonction de ces risques, mesurer la profondeur de son discours et accentuer sa démarche de corriger les éventuelles irrégularités ou erreurs. Si vous savez que vous prenez le mandat pour un an, c’est quand même très complexe. Comment allez-vous planifier votre montée en puissance en termes des ressources que vous allez consacrer au nouveau client que vous venez de décrocher ? Nous parlons évidemment ici des entités les plus importantes.
On ne prend pas comme cela, au pied levé, une des plus importantes structures du CAC 40 ou du SBF 120. Ce n’est pas vrai. On s’y prépare, l’appel d’offre est un préalable et quand on a décroché le mandat, on sait que c’est au moins pour six ans et peut-être même pour 24 ans compte tenu de la structure et que donc l’on va travailler sur la durée en montant des équipes d’audit dédiés aux sujets très particulier selon les structures, qu’elles soient industrielles, bancaires, assurancielles, etc. L’on ne peut pas auditer de la même façon, et l’on ne mobilise pas du tout les mêmes compétences en interne. Donc cette durée du mandat est à la fois source d’indépendance pour le commissaire aux comptes et possibilité à des nouveaux acteurs d’intervenir, parce qu’ils savent qu’ils auront le temps nécessaire pour construire leurs équipes, solidifier leurs compétences.
24, 20, ou 18 ans… Ce n’est pas la question. Le sujet c’est la préservation de l’indépendance du commissaire aux comptes, c’est d’empêcher la société de se séparer de son CAC parce qu’elle estime qu’il l’empêche de tourner en rond et c’est de renforcer l’autorité du commissaire aux comptes vis-à-vis de la direction financière ou de la direction de l’entreprise, quand il a des observations à faire, des questions à poser, des recherches plus ciblées à mener. En réalité, contrairement à ce que l’on pourrait soutenir, la longueur d’un mandat ne peut être que de qualité pour l’audit.
A.-P. : Il y a aussi la question que les entreprises pourraient se poser sur le coût du co-commissariat aux comptes, notamment…
V. R. : Sur le coût du commissariat aux comptes, il faut toujours faire la balance entre les avantages et les inconvénients. Un commissaire aux comptes sert bien évidemment à valider l’information financière. Cette dernière est d’autant plus pertinente dans les sociétés cotées qui donnent lieu à des publications périodiques et à des appréciations régulières du marché. Dire que le co-commissariat est un coût, c’est réduire simplement ceci aux travaux de coordination. Il n’y a pas de double commissariat, on parle bien de co-commissariats. Ce qui signifie qu’il y a bien évidemment un partage des travaux. Il y a peut-être, en effet, quelques compléments liés à la synthèse et aux revues croisées, qui font partie des obligations que nous avons. Mais la pertinence sur la validation de l’information financière est énorme. Je rappelle que les grands scandales qui ont existé sont toujours survenus à l’étranger, en Angleterre et Allemagne. Je pense que s’il y avait eu co-commissariat, pour la plupart, ces scandales auraient été obligatoirement évités.
F. P. : D’ailleurs, dans le cas de Wirecard, c’est un autre commissaire aux comptes qui a été sollicité. Il l’a vu tout de suite et en trois mois l’affaire était entendue. Pour ma part, je suis très attentive aux informations que je reçois, aux lanceurs d’alerte. L’année dernière, concernant une grande structure française qui a fait l’objet d’une alerte, j’ai lancé un contrôle rapide sur deux CAC dans le cadre d’un co-commissariat aux comptes. Mes services de contrôle se sont penchés sur la question et ont constaté le parfait fonctionnement du co-commissariat aux comptes. Cette entité avait connu certaines difficultés en raison de la crise Covid. Son modèle économique avait été complètement perturbé, voire arrêté par la crise sanitaire. La question était donc de savoir comment la direction de l’entreprise s’était arrangée avec ses créanciers, ses clients, etc. Quelle décision avait-elle prise ? Nous avons bien vu les deux dossiers d’audit des deux commissaires aux comptes, les dialogues qui ont eu lieu entre eux, ainsi que les questions posées à la direction financière, la réponse reçue, les retours sur d’autres sujets, et, finalement, la certification des comptes, avec une précision dans l’annexe qui était parfaitement adéquate. Bien qu’il s’agisse d’une très grande structure française, les deux professionnels ont parfaitement travaillé, usant de leur autorité de commissaire aux comptes vis-à-vis de la direction financière, pour poser les bonnes questions, et, finalement, valider les choix.
Donc, qu’il y ait un surcoût, soit, mais il y a seulement une partie de travail en surplus, ce n’est pas le double. Alors que pour la sécurité de l’économie de manière générale, ce coût n’est jamais calculé. D’autant que la France est désormais le principal lieu d’investissement étranger (IDE). Lorsque l’on regarde les comptes d’une entreprise certifiée par un CAC en France, on ne commence pas par avoir des doutes. Ce sont des signatures extrêmement importantes, leur valeur en France – à laquelle nous sommes tous attachés – est en faveur du développement de notre économie. Il n’y a pas de doutes sur ce point.
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